Jean-Paul Genoux est directeur général et co-fondateur de Dimo Software, créé en 1995.
Jean-Paul sait combien le collectif est essentiel pour la bonne prise de décision, le partage et l’écriture d’une ambition commune. Ainsi, pour lui « un bon collectif n’est pas un collectif qui n’a pas de problème, c’est un collectif qui traite les problèmes.«
Merci Jean-Paul de t’être prêté au jeu des questions Fullémo de Mathilde Héliès avec une grande sincérité !
1. Comment définis-tu ton métier ?
Jean-Paul Genoux : Mon métier est de voir loin, d’être au-dessus de la mêlée et de m’assurer que l’exécution de ce qu’on a imaginé à plusieurs, cette fameuse vision, soit correctement exécutée.
C’est un métier à la fois orienté vers le futur, savoir ce qu’on va faire demain et après-demain, et comment on construit au quotidien. Il faut aussi ajouter cette capacité à mettre de l’huile dans les rouages et faire en sorte de rapprocher les gens.
Ma vision des choses est « on voit loin ensemble ». Ensemble c’est à plusieurs, c’est un collectif large : le Comité Exécutif, le Comité Stratégique, les managers, la société. Ensemble pour définir une vision, une ambition, un plan d’actions. Au quotidien nous traitons les sujets qui peuvent devenir des problèmes si nous ne les traitons pas.
Un bon collectif n’est pas un collectif qui n’a pas de problème, c’est un collectif qui traite les problèmes.
L’ambition c’est aller chercher des projets, réfléchir à des acquisitions, j’adore cela, il y a toujours des réflexions en cours. Mon rôle est d’être un moteur qui tourne dans le bon sens et qui embarque plutôt que de laisser des gens sur le bas-côté.
2. Quel est le sens que tu donnes à ton Job ?
Jean-Paul Genoux : Déjà c’est une grande responsabilité d’avoir 430 salariés. Derrière ces 430 salariés, je vois 430 familles ce qui donne encore plus de sens. Le sens, c’est me dire que je ne travaille pas pour mon quotidien, mes week-ends, mes vacances, je travaille pour le sens commun et pour faire avancer une aventure qui demain sera peut-être avec plus ou avec moins de collaborateurs mais qui dans tous les cas ne sera pas immobile.
L’immobilisme c’est l’assurance de tomber.
Un grand sens de la responsabilité et aussi l’importance de travailler avec des gens que j’aime, d’écrire une histoire collective à plusieurs mains. Les six fondateurs travaillent toujours dans l’entreprise ce qui est très important. Cette histoire, quand parfois je me retourne, je me rends compte du chemin parcouru, d’autant plus que nous l’avons fait en total autofinancement. Ce n’était pas un point obligatoire, mais c’est notre chemin à nous.
Faire en sorte que cette aventure soit plaisante à vivre pour ses 430 collaborateurs, empreinte d’exigence car le plaisir vient aussi parce qu’il y a de l’exigence. Je parle ici d’exigence bienveillante : tu peux dire quelque chose à quelqu’un sans chercher à le froisser.
L’ambition est une composante essentielle. L’ambition, ce n’est pas le fait de progresser, de racheter une boîte, de lancer un nouveau métier, c’est avoir cette envie de grandir et de grandir ensemble. Pour garder les personnalités, les collaborateurs de bon et très bon niveau, il faut des projets, il faut une ambition. Si on n’a pas cela dans la maison, ils iront le chercher ailleurs.
Ma plus grande fierté est d’avoir réussi à fidéliser un certain nombre de collaborateurs qui auraient pu partir au bout de 3, 5 ans. Cela veut dire que nous avons réussi à nous renouveler et avons eu de l’ambition. Une ambition qui fait que les collaborateurs ont un terrain de jeu. Un de mes rôles est de permettre que nous allions sur de nouveaux terrains de jeu. Parfois, on me dit « Ah mais on ne l’a jamais fait, ce n’est pas possible »… pour moi c’est une raison de plus pour y aller !
Par exemple, une collaboratrice rêvait de s’installer en Malaisie, cela lui tenait à cœur, j’ai préféré qu’elle le fasse avec Dimo plutôt qu’avec quelqu’un d’autre car c’est une personne de valeur. Cela implique de nombreuses démarches administratives mais en considérant cela comme une opportunité pour l’entreprise, c’est plus facile d’y aller.
Mon rôle est à la fois d’écouter les collaborateurs et, avec le Comex, de faire en sorte qu’un certain nombre de projets prennent vie. Au sein du Comex, nous sommes assez différents et le sujet « collaborateurs » est celui pour lequel je monte au créneau.
Nous prenons les décisions à l’unanimité. Les questions des uns viennent renforcer le projet ou l’arrêter si besoin. Ce qui est important c’est que les neuf membres soient unis dans l’action.
3. Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?
Jean-Paul Genoux : Il y a plusieurs catégories d’émotions, celles qui te tirent vers le bas et d’autres plutôt positives. Les émotions positives, qu’elles soient liées à des victoires ou à des bonnes nouvelles, sont un moteur pour moi. Quand nous signons un deal, il y a une émotion partagée, il faut essayer de célébrer tout cela. C’est le côté hyper positif. Nous ne célébrons pas suffisamment, mais c’est déjà une célébration personnelle ou avec quelques collaborateurs.
Il peut y avoir des émotions plus difficiles à vivre liées par exemple à des conflits interpersonnels soit au sein du Comex, soit entre deux personnes et je dois alors trouver une solution pour résoudre ce conflit.
Comme je le disais mon rôle est de rapprocher les gens et c’est parfois compliqué. Lorsqu’il faut négocier avec quelqu’un parce qu’il faut s’en séparer, là les émotions ne sont pas très positives. Parmi les sujets que j’ai à traiter, c’est faire en sorte que l’équipe soit performante. Je peux accepter l’échec mais pas l’échec récurrent qui viendrait à l’encontre de la qualité que nous promettons de servir à nos clients ou qui desservirait une équipe. Je suis alors en première ligne et cela peut consommer de l’énergie.
Durant la journée, je me demande très régulièrement comment je me sens. Selon les périodes, j’ai un spectre de réflexion plus ou moins ouvert. Il y a des moments où je suis très focus sur la journée ou les 2-3 jours à venir. Si je ne veux pas être trop impacté par des émotions futures, je m’efforce de réduire le spectre de réflexion. Je fonctionne en décomposant par étapes. C’est l’image de l’échelle: je regarde le neuvième barreau de l’échelle, j’ai peur, je regarde le premier puis le deuxième, j’ai moins peur. C’est séquentiel, étape par étape. L’une va aller à la suite de l’autre. C’est un moyen de ne pas faire venir du stress sur une étape en pensant au stress de l’étape suivante. Il m’arrive très concrètement d’avoir des pensées qui surgissent, si elles ne font pas partie de l’étape, je dis « toi tu t’en vas ». C’est très concret, je compartimente, je raccompagne la pensée « Tu reviendras plus tard ».
4. Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es senti dépassé par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassé) ?
Jean-Paul Genoux : La cession d’une petite activité a été une émotion assez forte. Il fallait annoncer à sept collaborateurs que nous souhaitions céder l’activité à une personne que nous pensions meilleure pour en poursuivre le développement. La difficulté était de me dire : « je suis au courant de quelque chose qu’ils ne savent pas et je vais leur annoncer au moment que j’aurais choisi ». Eux n’ont pas choisi du tout. J’ai été chahuté intérieurement car les collaborateurs n’étaient pas en accord avec cette décision et je le savais. Même si le choix du repreneur avait été fait avec soin, en totale bienveillance, les collaborateurs ont dû faire face à la fameuse courbe du deuil : tristesse, colère…
L’émotion dominante pour moi a sans doute été la peur avant l’annonce. Une fois que je suis dans l’action, c’est l’action qui domine. D’autant plus que la décision étant prise à neuf personnes, nous sommes convaincus que c’est la bonne. C’est tout l’intérêt d’être porté par un collectif.
5. Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?
Jean-Paul Genoux : De voir assez loin et me dire : « c’est un moment pas agréable, dans quelque temps ça ira beaucoup mieux ». J’ai appris avec le temps que les sujets stressants, les problèmes trouvaient toujours une solution, chaque pot a son couvercle, donc ça va bien. C’est être optimiste. A partir de là, il faut traiter le sujet, nous confrontons les avis et opinions pour arriver à une position d’équilibre. Le collectif joue ici encore un rôle important.
Le partage et la parole. Nous parlons beaucoup entre associés et confrontons nos points de vue. Quand il y a un sujet stressant, nous nous en parlons « cartes sur table ».
En cas de stress important, je m’isole et chasse ce sur quoi je n’ai pas d’emprise. J’ai besoin de me concentrer sur autre chose. Chasser les pensées, les évacuer et essayer de rester zen.
Pour faire redescendre la pression, une bonne respiration est très efficace.
A titre personnel, j’aime beaucoup les massages donc je me fais masser quand je suis dans un état émotionnel qui peut être un peu remuant. Cela me permet de relâcher.
La marche est aussi un bon moyen de retrouver mon calme.
Sinon quand quelque chose vient me perturber, j’ai une règle assez simple : en fonction du sujet, je laisse passer une nuit ou deux et je ne réagis pas.Je sais que je dois attendre pour constater l’impact sur ma façon de voir les choses.
6. Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?
Jean-Paul Genoux : L’épanouissement professionnel c’est quand tu te lèves le matin et que tu as des coussins d’air sous les pieds, cela me donne des ailes. C’est venir au bureau et savoir que dans mon bureau c’est apaisé. C’est aussi se nourrir des rencontres, des échanges et des sourires. C’est ma manière de fonctionner.
Mon carburant quotidien est d’écrire une histoire d’ambition avec des gens que j’aime et un collectif.
Chaque collaborateur est une fierté. Quand il y a un pot, je me mets en retrait, je regarde chacun et remonte le fil de pourquoi il est là, quelles sont les décisions que j’ai pu prendre qui font qu’il est là. Me rendre compte que s’il est là aujourd’hui, c’est parce que j’y ai contribué, c’est une fierté. Non seulement j’influe sur les collaborateurs et leur famille mais aussi sur la société.
C’est l’humilité qu’on doit avoir quotidiennement, je ne veux pas devenir « le plus ceci ou cela » ce qui m’importe c’est d’avoir un vécu dont je sois fier. Pas la fierté de « on est les plus beaux » mais « on fait des choses simples ». Le mot simple pour moi définit beaucoup de choses. Cela ne veut pas dire que tout est simple tout le temps, que je suis simple tout le temps.
Cela signifie qu’on peut essayer d’être simple, se dire naturellement les choses et regarder simplement comment on peut poursuivre une aventure.