Blog des sérials learners

PORTRAIT ÉMOTIONNEL #46 Témoignage de Grégory POISAY

Libérer la parole émotionnelle en entreprise

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Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques pour contribuer à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.

Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Témoignage de Grégory POISAY

Directeur général du Groupe Boldoduc, Grégory Poisay est un entrepreneur dans l’âme. Étudiant, il crée FacilenFil qui rejoint le giron de Boldoduc il y a une douzaine d’années.

Grégory est d’abord un véritable entrepreneur dans l’âme. Il a connu les aléas de la micro-entreprise sans moyen et su saisir les opportunités de rapprochement au bon moment pour accélérer son développement. Un véritable succès !

Grégory raconte la période surréaliste vécue avec ses équipes lors de la crise du COVID.

Une période mettant à l’épreuve la créativité, l’agilité et l’engagement de ses équipes. La mobilisation des collaborateurs, adossée à la recherche de solutions originales a permis au groupe de réaliser des performances jamais atteintes jusque-là.

Cette expérience a permis de donner une nouvelle dimension à Boldoduc à travers de nombreux investissements humains et matériels.

Grégory travaille en proximité avec ses collaborateurs, attentif à leur bien-être, il s’assure notamment de leur plaisir à venir travailler.

Peux-tu te présenter ?

Grégory Poisay : Je suis Directeur Général de la société Boldoduc. Notre raison d’être est de concevoir et fabriquer des solutions destinées à la santé, au bien aller et au bien vieillir à base des textiles de demain.

Nous sommes 80 personnes en France, représentons 9 millions de chiffre d’affaires en France. Nous avons aussi une filiale en Tunisie dans laquelle nous embauchons 290 personnes actuellement.

Peux-tu nous raconter ton parcours entrepreneurial ?

Grégory Poisay : Mes deux parents étaient entrepreneurs. Quand j’étais au collège et au lycée, puis en études supérieures, j’ai toujours dit que je ne voulais pas créer ma boite. J’ai toujours vu mes parents qui y passaient leur vie.

Du coup, je n’ai pas vu mon père et ma mère a eu beaucoup de stress. Elle y a laissé sa santé et même sa vie. Je ne voulais pas de cela. Pour autant, je crois qu’il y a quelque chose qui nous rattrape.

Quand j’étais en seconde, j’ai voulu créer une marque de vêtements et faire des salopettes. Nous en avons créé deux nous-mêmes avec deux copains de lycée. En BTS, j’ai voulu créer une marque de vêtements street wear. C’étaient des projets d’école, déjà dans le textile.

En deuxième année d’école de commerce, nous avions à réaliser un projet de création d’entreprise et un ami est venu me voir : « Mon père bosse à l’institut Français du Textile*, ils ont l’idée de faire des vêtements faciles à enfiler pour les personnes âgées ou à mobilité réduite, j’aimerais bien faire le projet de création d’entreprise sur ce sujet, est-ce que ça te tente ? ». Cela me tentait beaucoup, d’autant plus que mon grand-père était en maison de retraite depuis peu. Lors de ma dernière visite, je l’avais vu en jogging. Mon grand-père, ancien colonel dans l’armée de l’air avait toujours été élégant. J’en ai parlé au personnel soignant : « Mon grand-père a un costume dans son placard, ce serait bien qu’il le porte ». Ils m’ont répondu « Bien sûr, essayez d’habiller votre grand-père ! ».

En fait, il n’était plus possible de le mouvoir. Je me suis retrouvé un peu ridicule à essayer d’habiller mon grand-père avec son pantalon de costume. Donc quand mon ami m’a parlé de ce projet, cela a fait écho.

Nous avons constitué un groupe de 8 étudiants pour notre projet de création d’entreprise et nous sommes allés voir des kinés, des ergonomes, du personnel soignant, des professionnels de santé pour comprendre quels étaient les gestes que ces personnes ne pouvaient plus faire. Nous avons transmis ces informations aux ingénieurs textiles de l’IFTH qui ont créé une première batterie de prototypes que nous avons fait tester, évoluer. Cela a pris deux ans. En parallèle, nous avons monté notre business plan.

L’IFTH avait déposé des brevets européens et les grands du secteur n’en voulaient pas. Il nous a alors proposé une licence d’exploitation exclusive des brevets. Sur l’équipe de 8, 3 ont levé la main. Nous étions diplômés en décembre 2004 et en janvier 2005 nous avons lancé Facilenfil.

Nous sommes partis d’une feuille blanche : nous avions des patrons de vêtements faciles à enfiler mais pas de tissu, pas de collection, pas de dessin, pas de couleur, pas de fabricants, pas de clients, rien.

Il a donc fallu tout construire. Facilenfil est mon premier bébé avant d’avoir des enfants.

Nous nous sommes développés avec nos propres moyens partageant 15m2 dans une pépinière d’entreprises. Puis nous avons grandi, d’abord dans l’Aude puisque c’était l’IFTH de Troyes qui avait déposé les brevets, puis nous sommes venus à Lyon d’où j’étais originaire.

Au bout de quelques années nous avions besoin d’un appui financier et industriel. C’est comme cela que nous nous sommes rapprochés de Boldoduc. Jean-Charles était déjà administrateur et connaissait le projet. Nous avions besoin de changer de locaux et nous nous sommes installés physiquement près de lui. Il a d’abord voulu rentrer dans notre capital, ce que nous avons refusé. En 2010, Jean-Charles a pris des participations dans Facilenfil. De l’équipe initiale, il n’y avait plus que moi, nous avons écrit la nouvelle stratégie de Facilenfil. Nous avons eu les moyens de recruter des commerciaux, de fabriquer en interne. Cela nous a fait gagner dix points de marge la première année, car auparavant nous sous-traitions la production.

Nous sommes passés de 190 000 € de CA en 2011 à 2,4 millions en 2021. Tout de suite Jean-Charles m’a dit « je te vois à mes côtés et dans le capital ». J’ai d’abord pris la Direction des Ressources Humaines puis la Direction Générale. Il a fallu que je lâche mon bébé, cela n’a pas été facile. Entreprendre est ancré en moi, seul je n’aurai pas pu le faire ou du moins pas eu envie de le faire seul. J’ai besoin de confronter mes idées, d’avoir une personne à mes côtés qui a une autre vision, un autre angle de vue. Bien souvent, les idées au départ ne sont pas les mêmes. En échangeant, la tienne plus la mienne donnent une solution qui fonctionne et nous avançons. Voilà comment je vois l’association.

Facilenfil a fêté sa majorité cette année, ses 18 ans. Ma fierté est d’être parti de 0 et que 18 ans après cela a prospéré, fonctionne bien et continue de se développer avec des collaborateurs ravis de travailler chez nous. Chez Facilenfil, la moyenne d’ancienneté est de 8 à 10 ans.

Comment définis-tu ton métier ?

Grégory Poisay : En tant que directeur général de Boldoduc, j’ai aussi la casquette de DRH et de Directeur commercial. Mon métier c’est d’abord de comprendre les attentes et les besoins des collaborateurs. Cela passe par beaucoup d’échanges et de résilience.

Mon vrai métier est d’accompagner les collaborateurs afin de les mettre dans les meilleures conditions possibles pour qu’ils soient performants et répondent aux attentes de l’entreprise. Cela demande beaucoup d’écoute et d’empathie.

L’enjeu est aussi de les embarquer, qu’ils aient confiance en la stratégie définie avec mon associé, Jean-Charles et Anaïs notre responsable financière, amenée à diriger l’entreprise avec moi dans les années à venir.

Quel est le sens que tu donnes à ton job ?

Grégory Poisay : Ce dont je suis vraiment fier c’est de donner du travail à 80 personnes en France. Il y a deux ans, nous n’étions que 30. En deux ans nous avons embauché 50 personnes toutes en recherche d’emploi. Une bonne partie de ces personnes étaient en insertion, en reconversion ou handicapées.

Au total nous avons 9 nationalités et 14 origines différentes au siège, à Dardilly. Cela me rend très fier.

Ce qui me donne envie de me lever le matin, c’est de continuer à faire avancer le schmilblick, de satisfaire des clients.

Nous sommes certifiés ISO 9001, l’objectif numéro 1 de cette certification et de notre politique qualité, c’est la satisfaction de nos clients.

Mon objectif est d’apporter des produits qui répondent à un vrai besoin et que les clients soient 100% satisfaits. Je veux réaliser cet objectif avec des équipes heureuses de venir travailler chez nous et qui partagent nos valeurs.

Ces valeurs nous les avons écrites il y a 7 ans lors d’un séminaire avec l’ensemble des collaborateurs : la cohésion, le respect, la confiance, le développement durable et l’ouverture d’esprit. Nous sommes attachés à ce que tout le monde partage ces valeurs. Chaque valeur a été définie en détail de manière collaborative avec les équipes.

Nous avons mis en place une boîte à idées pour inciter les collaborateurs à faire part des solutions qui pourraient améliorer le bien-être au travail.

As-tu beaucoup d’idées qui remontent par ce canal ?

Grégory Poisay : Pour le volet bien-être au travail, pas tant que cela.

Néanmoins, nous avons une deuxième boîte à idées pour identifier des actions visant à devenir régénératif, améliorer les conditions environnementales et du vivant. Sur celle-ci, il y a plus d’idées. C’est lié à notre démarche RSE.

Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?

Grégory Poisay : Je suis quelqu’un d’hypersensible, cela se sait peu dans l’entreprise, exception faite de mon associé et de mes plus proches collaborateurs. Je suis assez émotif aussi. Mes émotions ont donc un impact très important.

Au quotidien, j’essaie de prendre sur moi, de ne pas trop les montrer. En tant que dirigeant de l’entreprise, je dois inspirer confiance et donner envie d’y aller aussi.

Si à un moment donné les collaborateurs constatent des hésitations, des confusions ou un manque d’assurance, cela ne rassure pas, je ne peux pas trop montrer mes émotions.

Je partage plus facilement mes émotions avec mon associé ou en CODIR.

Je reste néanmoins sur la retenue concernant la peur, que je ne veux pas montrer. Un chef d’entreprise qui a peur ne peut pas donner confiance àses équipes. La confiance est une de nos valeurs, je ne peux pas montrer la peur.

Concernant les émotions de mes collaborateurs, je fais en sorte de les prendre en considération, de les intégrer, d’y prêter attention. Toutefois, à un moment donné, il y a une certaine barrière, il ne faut pas que je devienne le bureau des pleurs.

Comment fais-tu la nuance ?

Grégory Poisay : Ce n’est pas évident, je fonctionne à l’instinct.

Je rappelle que chaque collaborateur a un contrat de travail qui comprend trois obligations : ils réalisent un travail, on rémunère pour le travail réalisé et il y a un lien de subordination. EN droit, ce sont les trois conditions du contrat de travail.

A un moment donné les soucis personnels, familiaux ou autres restent à la maison. On peut les écouter, les entendre mais cela ne doit pas empiéter sur le travail. Nous avons des comptes à rendre aux clients, si nous ne sommes pas dans les délais attendus, c’est qu’il faut accélérer. Nous entendons les petits problèmes des uns et des autres mais nous ne pouvons pas y répondre tout le temps parce qu’il faut continuer à produire.

Comment prends-tu le pouls du bien-être émotionnel de tes collaborateurs ?

Grégory Poisay : Cela reste instinctif. Je fais le tour de toutes les équipes tous les matins. Je prends 20 minutes pour faire le tour de tout le monde. Je connais chaque collaborateur par son prénom, c’est le minimum. Je connais un peu l’histoire de chacun parce que je les reçois en entretien individuel avec leur manager. Je les connais tous personnellement.

Les visages parlent aussi : quelqu’un qui a l’habitude d’être souriant et que je vois fermé, je suggère « est-ce que tu veux qu’on discute, qu’on se voit ? Tu sais que la porte de mon bureau est toujours ouverte ». D’autres fois je dis « on se voit 5 minutes » parce que je comprends qu’il y a quelque chose.

C’est vraiment instinctif en fonction de chaque personne. Ce n’est pas évident à 80, plus on grossit, moins c’est simple. J’essaie de maintenir ce lien. Je veux aussi que mon mode de management reste celui d’une PME familiale, c’est important pour moi.

Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es senti dépassé par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassé) ?

Grégory Poisay : plus l’entreprise grossit, plus il faut faire attention aux débordements émotionnels. Avant d’être installés à Dardilly, quand nous avions nos bureaux à Limonest, il y avait régulièrement des coups de gueule de la part des employés, des cadres où de nous-mêmes.

A l’époque, je me suis pris la tête avec mon associé et j’ai claqué la porte en disant « je me casse ! ». Là, je me suis laissé emporter, dépasser par mes émotions, la colère en l’occurrence. Mais cela n’est plus arrivé depuis 7-8 ans.

Le désaccord fait peur aux équipes qui se disent : « les deux dirigeants ne s’entendent pas, ne se comprennent pas, peut-on avoir confiance en leur vision, en eux ?

La confiance est une de nos valeurs. Tout tourne autour de nos valeurs. Si je claque la porte, je ne respecte pas mon associé. Quand on est une petite équipe de 10 personnes cela peut se comprendre : tout le monde se connaît, on sait qu’à un moment donné il peut y avoir des mots prononcés sous la colère, on sait que les mots ont dépassé la pensée.

Si je faisais cela à 80, plus de la moitié des collaborateurs ne comprendrait pas.

Si la peur intervient, je la partage uniquement avec mon associé. Néanmoins, je ne me sens jamais dépassé par la peur car nous avons confiance l’un dans l’autre et en nous-même. J’ai confiance en moi.

J’ai plus de facilité à partager la joie, par exemple lorsque nous avons produit les masques pendant le COVID.

Je vais d’ailleurs te faire part de cette expérience, très intense émotionnellement.

Nous avons été contactés par le gouvernement fin février 2020, juste avant le premier confinement. Sachant qu’il y avait un gros risque de pénurie de masques, les industriels du textile ont été sollicités pour savoir s’ils savaient fabriquer des masques.

A l’époque, le besoin était évalué à 1 million de masques par jour. Nous n’en n’avions jamais produit. Nous avons créé un premier modèle en 48h avec des matières qui nous semblaient correspondre aux attentes et aux besoins pour pouvoir parer au COVID.

Les échantillons étaient testés par la Direction Générale de l’Armement. Comme nous avons été assez rapides et agiles, ce qui nous caractérise chez Boldoduc, et que nous avons envoyé notre prototype en 48h, nous avons été le 3ème industriel validé en France.

Au départ notre priorité était de servir ceux qui n’ont pas cessé de travailler : les pompiers, policiers, postiers, éboueurs… tous les services publics dont nous avions besoin et qui n’avaient rien pour se protéger. Ensuite, sont venues les entreprises et collectivités. 

Les émotions étaient incroyables : nous recevions des demandes de devis de l’ordre d’un million d’euros alors qu’à cette époque nous faisions 6 millions de CA par an ! Quand une entreprise comme la RATP, Toyota, les collectivités comme la Ville de Lyon ou la région AURA nous adressaient des demandes oscillant entre 50 000 et 1 million d’euros, c’était euphorique !

Nous avons travaillé avec des confectionneurs solidaires, des personnes qui savaient utiliser une machine à coudre auxquelles nous remettions un kit prêt à être confectionné. 2 000 personnes ont répondu à notre appel à solidarité. Quand nous avons reçu les premiers masques, nous avons réalisé que nous ne pouvions les commercialiser : ces personnes étaient très volontaires mais ne savaient finalement pas si bien utiliser une machine à coudre.

Nous avons alors sélectionné les 500 volontaires les plus doués. Ce n’était pas encore assez rapide. Nous avons alors fait travailler 50 sous-traitants en France, embauché 150 personnes en l’espace de 15 jours et créé deux ateliers éphémères, un à Gerland et un Tarare.

Nous sommes parvenus à réouvrir notre usine en Tunisie et à faire travailler des sous-traitants en Tunisie. Au total entre fin avril et début juillet, nous avons réussi à fabriquer 12 millions de masques. 3 500 personnes ont travaillé sur ce projet.

A l’échelle de l’entreprise c’est incroyable : à l’époque nous étions 30 en France et 300 en Tunisie.

C’est de loin le projet le plus exaltant que j’ai eu.

Pendant cette période avec mon associé nous travaillions jusqu’à 18h par jour. Nous partagions et échangions beaucoup. Nous nous serrons les coudes, quand tous les collaborateurs étaient confinés. Nous étions juste tous les deux au bureau avec notre responsable qualité.

Nous avons toujours veillé à garder la tête sur les épaules.

Nous avons toujours géré notre entreprise en bon père de famille avec la vision très long terme de Jean-Charles : l’innovation, la satisfaction client au centre de nos préoccupations et faire en sorte que nos collaborateurs se sentent bien.

A ce moment-là, nous nous sommes dit : « attention, ce n’est pas parce que nous vivons un exercice exceptionnel qu’il faut s’emballer ».

Cela nous a permis de mettre en place ce que nous souhaitions faire depuis des années, c’est à dire réindustrialiser en France de manière plus forte en investissant dans des machines pour pouvoir faire de l’impression numérique. Nous avons investi dans notre outil de travail pour créer un atelier de confection en France. Nous avons aussi beaucoup investi dans le personnel : dans la formation afin de regagner un savoir-faire nous avions perdu.

Il nous a fallu beaucoup d’agilité et de résilience. Au départ, les masques c’était la survie de l’entreprise. Initialement, notre plus gros marché, c’est la blanchisserie industrielle, les loueurs de linge, la restauration et l’hôtellerie. Toutes ces activités étaient à l’arrêt pendant la crise COVID alors qu’elles représentaient 60% de notre CA.

Avant cette phase d’euphorie, nous avions été saisis par une peur réelle pour la boîte, pour sa survie. Nous n’avons pas partagé cette peur avec les collaborateurs, nous avons insisté sur le fait que nous étions, quelque part, en train de sauver le monde.

De même pour Facilenfil, les vêtements faciles à enfiler pour les personnes à mobilité réduite, notre activité était à 0, il n’était pas possible d’entrer dans un EPHAD. Nous ne pouvions donc pas vendre le moindre vêtement, ce qui remettait entièrement en cause notre structure. Nous avons vraiment eu peur au début de la crise COVID. Nous avons vite rebondi. Nous y sommes allés sans nous poser de questions. Si beaucoup d’acteurs ont profité de la pénurie de masques pour les vendre à des prix exorbitants, nous sommes restés avec nos valeurs notamment le respect : nous respectons nos clients et vendions nos masques réutilisables à des prix justes, du départ à la fin. L’idée était d’apporter cette protection à ceux qui en avaient besoin.

Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?

Grégory Poisay : J’ai besoin de prendre du recul, je peux m’isoler un peu.

Parfois, je partage mes doutes et questionnements avec Jean-Charles et avec Anaïs car j’ai aussi besoin d’échanger pour m’assurer que ce que je ressens correspond à la réalité.

Je me demande « est-ce que je suis en décalage avec la réalité ? Est-ce que je suis en phase avec la réalité ?

J’ai besoin de confronter le ressenti de mes émotions à d’autres personnes pour m’assurer que je suis dans le vrai.

Le sport est aussi un moyen d’évacuer. Le sport est un moyen d’être bien dans ma tête, d’être bien avec moi-même, bien dans mon corps. Au départ je fais beaucoup de sport de glisse ce qui n’est pas évident à pratiquer au quotidien. J’essaie de partager le sport avec la famille. En semaine, je fais du cardio ou de l’aérobic, soit en salle soit avec un coach.

Je m’efforce de ritualiser et de faire 10 à 20 minutes de sport, c’est parfois un moment de partage avec mon fils qui tourne autour de moi quand je fais mon gainage ou essaie de faire la même chose que moi ! Cela me fait beaucoup de bien. J’essaie de me discipliner parce que je sais que j’en ai besoin pour être performant au travail. C’est important.

Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?

Grégory Poisay : L’épanouissement professionnel, c’est continuer à être heureux tous les matins quand je viens. C’est sentir que je sers à quelque chose, que je contribue au bien du vivant dans sa globalité sur les plans environnemental, sociétal, social.

L’épanouissement professionnel c’est aussi savoir bien lier sa vie personnelle et professionnelle. Je ne peux pas être épanoui au travail si je ne suis pas aussi épanoui personnellement, si je n’apporte pas aussi du bien-être chez moi. Les deux sont intimement liés : je ne peux pas être bien au boulot si je ne suis pas bien à la maison.

Qu’est-ce qui te stimule le plus dans ton travail aujourd’hui ?

Grégory Poisay : Aujourd’hui c’est vraiment ce que nous faisons au niveau RSE qui me stimule le plus. Nous participons à la CEC**. Cela m’a vraiment bouleversé, retourné, les premières sessions surtout.

J’ai envie d’apporter ma pierre à l’édifice, je veux montrer que je suis capable de changer le monde. Même si Boldoduc ne pourra pas seul révolutionner le monde, je ne veux pas rester les bras croisés. Plutôt que se cacher derrière des affirmations comme « Tant que les gros industriels, les gouvernements ne s’y mettront pas, on n’y arrivera jamais » je préfère me dire que nous faisons ce que nous pouvons à notre échelle.

Chez Boldoduc nous allons faire le maximum, nous écrivons notre feuille de route à la CEC et sommes prêts à revoir notre modèle économique, à produire moins, à vendre moins, à dire non à des clients, à dégager moins de CA. Cela sans mettre en péril la structure et les emplois qui en découlent.

Le cursus CEC a commencé en février 2023 pour se clôturer en décembre. Nous avions commencé avant et nous allons continuer ensuite. La CEC nous permet d’écrire notre feuille de route et d’embarquer les équipes avec nous. Quand nous évoquions la RSE, les équipes ne comprenaient pas de quoi nous parlions. En fin de compte, la CEC permet de structurer la démarche.

Quand nous avons réalisé notre bilan carbone, trois personnes dont notre responsable RSE ont suivi une fresque du climat***. Notre responsable RSE a ensuite animé une fresque auprès du CODIR, puis tous les membres du CODIR se sont formés pour pouvoir animer chacun une fresque auprès d’un groupe de collaborateurs lors de notre dernier séminaire. Les 80 collaborateurs ont donc fait la fresque du climat, c’était génial.

* https://www.ifth.org

** https://cec-impact.org

*** https://fresqueduclimat.org

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