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PORTRAIT ÉMOTIONNEL #8 Témoignage d’Agathe Wautier

ÉMOTIONS PARTAGÉES Témoignage d'Agathe Wautier

Témoignage d’Agathe Wautier

Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.

Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Agathe Wautier est co-fondatrice du Galion, collectif d’acteurs de la tech et think tank qui a pour ambition de mettre à disposition des entrepreneurs des outils opérationnels pour faire grandir la French Tech !

Le témoignage d’Agathe Wautier montre combien les émotions sont essentielles pour fédérer une équipe, marquer les esprits lors des rencontres professionnelles et développer l’intelligence collective.

Merci Agathe pour ce partage riche et spontané !

1. Comment définissez-vous votre métier ?

Agathe Wautier : Ma mission principale consiste à favoriser la rencontre entre entrepreneurs pour générer du partage d’expérience. Je suis le catalyseur de cette intelligence collective qu’est le Galion dans laquelle on trouve des entrepreneurs qui partagent leurs expériences, leurs réussites, leurs échecs pour se faire avancer les uns les autres.

Pendant longtemps je me suis définie comme la G.O. du Club Med qui trouvait le plus d’occasions possibles pour que les entrepreneurs passent du temps ensemble. Aujourd’hui, je me définis comme la clé de voûte de ce collectif. Le Galion a évolué et mon job est désormais de favoriser la rencontre et l’échange. A ce jour, le Galion compte 400 entrepreneurs, c’est beaucoup, au départ nous n’aurions jamais pensé réunir autant de monde. Notre atout, au-delà du réseau de partage entre pairs, c’est le think tank qui nous permet de démultiplier l’impact que nous avons car nous touchons tout un écosystème.

Nous avons aussi développé un produit, « le Galion Peers » où on réunit les C-level (RH, Marketing, Ventes) des CEO des starts up pour faire des réseaux de partage entre pairs par fonction. C’est un projet qui nous excite car nous pensons que le développement de l’écosystème passe par des managers bien formés auxquels on offre des opportunités de carrières. On a démarré récemment, on a déjà cent cinquante pairs.

2. Quel est le sens que vous donnez à votre Job ?

Agathe Wautier : J’ai le sentiment d’avoir un impact assez fort dans la vie de mes membres qui sont des entrepreneurs, des CEO, des fondateurs. Mon impact est de leur offrir cette bulle de respiration, de décompression et de leur permettre de briser la solitude du dirigeant Je leur offre un espace d’échange entre pairs avec lesquels ils peuvent se livrer sans jugement, en toute bienveillance et confidentialité.

3. Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?

Agathe Wautier : Les émotions ont clairement un fort impact dans mon quotidien car je suis très émotive. Je n’ai pas tellement peur des émotions, je trouve au contraire qu’elles sont une bonne chose. En tant que manager-dirigeante, j’exprime énormément mes émotions parfois peut être un peu trop. Le Galion est une entreprise à l’esprit familial où je fais en sorte que l’on se dise les choses.

Avec l’équipe, on a nos petites techniques, notamment quand quelqu’un de l’équipe partage un échec, on le matérialise par un objet pour ne pas garder l’échec sur soi : on met l’objet au milieu de la table et on en parle « ce n’est pas ton échec, c’est l’échec de l’équipe… ». En parler pour le dépasser, c’est un petit truc que des entrepreneurs tech nous ont appris.

Je manage une équipe essentiellement féminine (nous sommes dix) : nous sommes souvent confrontées à des pleurs et des émotions assez fortes. Au début cela me mettait un peu mal à l’aise, désormais j’embrasse cette émotion et je ne suis plus perturbée. Initialement, il me semblait que cette émotion ne devait pas arriver dans le travail, qu’elle était réservée à la sphère privée, mais en réalité on peut très bien pleurer parce qu’on a un problème au travail. On va moins juger quelqu’un qui est très en colère ou qui est très enthousiaste que quelqu’un qui pleure sur son lieu de travail, pourquoi ? Je ne sais pas si c’est bien ou mal, mais je le traite ainsi.

Pleurer seul aux toilettes est une chose, pleurer face à ses collaborateurs ou son manager, est un peu différent. Parfois je me rends compte trop tard que j’ai des collaborateurs qui sont en souffrance alors j’essaie de briser la glace et leur dire qu’ils peuvent venir me voir, que je suis là pour les aider à régler les problèmes. C’est une culture à mettre en place et ce n’est pas facile. J’ai une personnalité assez forte, je suis exigeante, je dirige une entreprise avec deux enfants en bas âge, je suis donc consciente de renvoyer l’image d’une personne forte. Par conséquent, mes collaborateurs peuvent avoir l’impression de me décevoir, alors que pas du tout ! J’aime bien qu’on vienne me voir car j’ai un profil d’aidante : j’aime qu’on vienne me parler d’un problème pour qu’on cherche ensemble à le résoudre.

C’est une culture de partager ses émotions, d’expliquer quand ça ne va pas et quand ça va bien. On m’a reproché de ne pas assez célébrer les réussites par exemple et de passer trop rapidement sur les axes d’amélioration. Je dois travailler à célébrer davantage les réussites.

Il y a certains profils qui ne seraient pas forcément fais pour travailler dans mon équipe car ils sont plus rationnels, ou encore dans la culture où on dissocie le professionnel et le personnel. Nous faisons de l’événementiel, nous invitons les gens à se livrer, ce qui implique de se livrer un peu soi-même : c’est un peu comme le principe des vases communicants : si on ne partage rien, il n’y a rien à partager en face. Ma chance, c’est que Le Galion est mon entreprise, je la façonne.

4. Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions (ou vous avez craint d’être dépassée) ?

Agathe Wautier : Mon expérience, c’est encore compliqué pour moi d’en parler même si maintenant je l’ai bien digérée. Lors d’un entretien avec mon associé, je me suis effondrée en larmes. Je ne sais plus très bien si c’était une négociation sur mon titre, mon salaire, des parts de la société mais je me suis retrouvée face à lui, pleurant à chaudes larmes.

J’avais l’impression d’être au bout d’un processus et que je n’arrivais pas à lui faire comprendre, de tout essayer mais que rien ne fonctionnait, c’était ma dernière arme. J’étais sans doute fatiguée, je n’ai rien maîtrisé et n’arrivais plus à prendre le dessus. Quand je suis ressortie, j’étais encore plus mal qu’en arrivant. En sortant, j’ai appelé un ami qui m’a rassurée en me disant « C’est sorti, tu avais besoin de l’exprimer comme cela, c’est désormais à lui de gérer ».

Mon associé a été attendri, surpris, car il n’a pas l’habitude de me voir comme ça. L’entretien s’est achevé et il est revenu deux jours plus tard avec une proposition.

Pleurer finalement, c’est un sentiment comme un autre, qui exprime une émotion. Cela nous a permis d’avancer même si j’espère que cela ne m’arrivera plus !

Une émotion forte permet de passer des étapes, de briser des plafonds de verres, il ne faut pas en avoir peur. C’est dans des moments comme cela qu’une relation se renforce, car elle est plus authentique. Néanmoins, l’expression d’émotion très intense au travail doit être exceptionnelle.

5. Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations qui vous impactent émotionnellement ?

Agathe Wautier : Je pense que je suis entourée de beaucoup d’hommes intelligents et à succès. Je les ai observés et m’en suis inspirée : je me tais (alors qu’avant je rebondissais), j’écoute, je prends le temps, j’accueille avant de parler. Auparavant, j’avais tendance à aboyer, maintenant j’essaie de me mettre en retrait.

Je prends le temps de la réflexion, j’essaie d’avoir une vue plus haute du sujet. C’est un exercice que je fais depuis deux-trois ans. Maintenant je déteste quand je m’emporte. Je suis très spontanée donc je peux aller trop loin, être trop directe et ça me dessert. Je réalise qu’à chaque fois que je m’emporte, je m’en veux.

Je suis assez autoritaire aussi, notamment lors des conseils d’administration du Galion qui sont des moments difficiles à gérer car je fais face à de fortes personnalités qui ne m’écoutent pas ou me coupent la parole. Je suis alors assez directive. J’ai appris à davantage anticiper, préparer et réfléchir, pour être plus performante.

6. Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?

Agathe Wautier : L’épanouissement professionnel, c’est avoir l’envie de se lever le matin. C’est un bon indicateur. Tellement de personnes détestent leur boulot. Il y a des matins où on n’a pas envie de se lever car on est fatigué. Mais si sur cinq matins, il y a trois matins où on n’a pas envie de se lever, c’est qu’il y a un problème.

La quête de chacun est de se réaliser dans ce qu’il fait, de trouver son axe, où il sera le meilleur. Je suis partisane de travailler beaucoup sur ses qualités, les renforcer et jouer la complémentarité avec les personnes qui nous entourent au lieu de se fatiguer à combler ses lacunes.

Pour moi, se réaliser, c’est se sentir utile, avoir de l’impact au quotidien, se dire que ce que je fais compte. Aujourd’hui à trente-six ans, j’ai un impact, à ma micro-échelle, sur certaines personnes qui sont passées au Galion et pour qui ça a changé leur vie. J’ai aussi un petit impact économique par le think tank et ça me remplit beaucoup. J’ai aussi des sujets qui me tiennent à cœur : la parité, le RSE que j’ai envie de renforcer à l’avenir. Voir ma société grandir passer d’un à dix, c’est déjà génial !

Un conseil que j’aimerai beaucoup partager est un conseil de mon amie Fany Pechiodat (fondatrice de My Little Paris) qui m’a dit, peu après la création du Galion : quelque que soit l’événement, ce qui est important est que les membres citent spontanément le Galion dans les expériences ou événements qui les ont marqués dans les six derniers mois. Cela m’a beaucoup aidée pour proposer des vraies expériences marquantes pour les membres. S’il n’y a pas d’émotion dans un événement, il n’a pas tellement d’intérêt et c’est fade. Je veux provoquer chez l’autre une émotion forte pour en faire un souvenir. L’émotion est au cœur de mon management et de la mission du Galion. Chaque expérience doit avoir une empreinte émotionnelle puissante.

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