Avec la série Portrait Émotionnel, Fullémo donne la parole à des femmes et des hommes qui incarnent, à leur manière, l’intelligence émotionnelle au travail. À travers ces portraits émotionnels sincères et inspirants, nous cherchons à sensibiliser au rôle des émotions dans la vie professionnelle et à libérer une parole encore trop souvent tue en entreprise.
Chaque portrait est structuré autour de six questions identiques, et retranscrit avec soin pour préserver l’authenticité et la profondeur des échanges.
Notre intention : inspirer, transmettre des clés, et favoriser l’épanouissement professionnel en rendant visibles des récits vécus.
- Gaël Chatelain-Berry, auteur, podcasteur, conférencier engagé
- Comment définissez-vous votre métier ?
- Quel est le sens que vous donnez à votre job ?
- Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?
- Racontez une expérience où vous vous êtes senti dépassé par vos émotions
- Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations émotionnelles fortes ?
- Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?
- Ce que nous retenons de ce Portrait Émotionnel
Gaël Chatelain-Berry, auteur, podcasteur, conférencier engagé
Gaël Chatelain-Berry est auteur, créateur du podcast Happy Work, chroniqueur pour Psychologies et La Tribune, et conférencier. Déterminé à changer le monde de l’entreprise, il milite pour un management bienveillant et contre le sexisme au travail. Dans ce portrait émotionnel, il partage avec franchise la place qu’occupent les émotions dans ses différentes activités et sa manière, très personnelle, de les réguler.
Comment définissez-vous votre métier ?
Mon métier, quel que soit le support – que ce soit l’écriture, les conférences, les chroniques ou le podcast – c’est toujours la même chose.
D’un côté, j’essaie de rassurer les personnes qui ne vont pas bien, en leur donnant des outils concrets pour aller mieux.
Et de l’autre, j’aide les managers à prendre conscience de leur rôle fondamental dans le bien-être au quotidien.
Quel est le sens que vous donnez à votre job ?
Changer le monde de l’entreprise, très modestement.
Pendant plus de vingt ans, j’ai été manager dans de grands groupes médias. Je croyais que manager était intuitif, mais j’ai compris que ça ne l’était pas.
Pour moi, manager, c’est revenir à des choses simples : dire bonjour, ne pas crier, dire merci. Ce que nos parents nous ont appris. Si un enfant de trois ans peut le comprendre, un adulte peut aussi.
Ce qui est frappant, c’est que l’une des premières causes de démotivation, c’est qu’un manager ne dit pas bonjour. On en est là.
Et je le dis avec humilité, j’ai moi-même été ce manager parfois maladroit.
On a l’un des pires managements des pays industrialisés. Et ce n’est pas uniquement de la faute des individus : à l’école de commerce, sur trois ans, j’ai eu deux heures de cours de management. On récolte ce qu’on a semé.
Mais les choses changent. Aujourd’hui, sans bon management, une entreprise ne recrute plus, ne fidélise plus. Et tant mieux.
Le respect est devenu une exigence, pas un bonus.
La pandémie a été un accélérateur. Le télétravail en est un symbole : avant, personne n’en parlait. Aujourd’hui, c’est une question centrale en entretien.
Le regard sur le travail a changé.
Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?
Cela dépend des activités. Sur l’écriture d’articles ou de podcasts, très peu.
C’est un travail cartésien, où je cherche à objectiver, à transmettre un message clair.
Je n’y mets pas mes émotions, car cela pourrait brouiller le message.
En revanche, quand j’écris un roman – comme « Sois un homme ma fille » – les émotions sont partout.
J’entre dans la peau des personnages, je vis avec eux pendant des mois. C’est un processus émotionnel profond, presque schizophrénique.
Pour qu’un personnage soit crédible, il faut qu’il soit vivant. Et pour cela, il faut l’aimer, ressentir ce qu’il ressent.
C’est un rapport émotionnel total.
Racontez une expérience où vous vous êtes senti dépassé par vos émotions
Je vais être très franc : jamais dans un contexte professionnel.
Depuis toujours, je considère que le travail est à sa juste place. Il me permet de payer mes factures, tant mieux si je prends du plaisir, mais ma vie personnelle a toujours été bien plus importante.
Avec cette posture, je ne me sens jamais dépassé par mes émotions. J’ai vécu des situations violentes : licenciements, conflits, humiliations. Mais je les ai toujours traversées avec recul.
Pour moi, l’énervement est un échec. J’ai fait le vœu de ne jamais m’énerver. Je n’y parviens pas toujours, bien sûr, mais presque.
Je reste froid, cartésien, analytique. La pensée n’est pas l’action. Je maîtrise ce que je ressens parce que je relativise.
Et puis, j’aime cette citation de Sénèque :
« La vie, ce n’est pas d’attendre que l’orage passe, c’est d’apprendre à danser sous la pluie. »
C’est ainsi que j’ai mené ma vie professionnelle.
Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations émotionnelles fortes ?
Relativiser, toujours.
Chaque matin, je me dis : « Hier, c’était peut-être nul, mais aujourd’hui peut être formidable. »
Je crois profondément que rien n’est figé, que tout peut évoluer.
Je combats aussi un travers très français : le prisme négatif.
En France, on dira « ce n’est pas mauvais » plutôt que « c’est bon ». « Ce n’est pas moche » au lieu de « c’est beau ».
Ce biais négatif, on le tourne aussi contre soi. C’est un réflexe à déconstruire.
Il faut commencer par soi.
Se dire : je ne suis pas parfait, mais ce n’est déjà pas si mal.
Et face à quelqu’un qui perd ses nerfs, il faut garder les siens. J’appelle ça le syndrome du Chihuahua et du Pitbull.
Le Chihuahua aboie beaucoup. Le Pitbull reste calme.
Quand un abruti vous hurle dessus, ne réagissez pas.
Laissez-le parler, et dites ensuite : « Je comprends ton énervement, mais je n’aime pas la manière dont tu t’exprimes. On fait quoi maintenant ? »
Deux Chihuahuas face à face, ça ne donne jamais un échange apaisé.
Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?
Je vais citer Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez jamais à travailler un seul jour de votre vie. »
Mais je nuancerais. Parce que ce n’est pas donné à tout le monde.
Beaucoup de gens travaillent pour vivre, pas pour s’épanouir. Et ce n’est pas un problème.
On a le droit de ne pas aimer son boulot. L’important, c’est de cultiver son bien-être ailleurs : dans le sport, la famille, les passions.
Je suis très critique envers le concept de « bonheur au travail ». C’est une injonction injuste.
On peut avoir un job alimentaire et s’épanouir dans sa vie. Tout ne doit pas passer par le travail.
Et si on a une passion, on peut l’exprimer autrement. Même si elle ne devient pas un métier. Ce n’est pas grave.
Au fond, l’épanouissement, c’est trouver un sens à sa vie. Se sentir utile. Se dire : « Je suis là pour quelque chose. »
Et pour moi, tout commence par une chose : apprendre à s’aimer.
Avec ses défauts, ses rides, ses bourrelets, ses erreurs. Se dire « je suis comme ça, et c’est ok. »
Ce que nous retenons de ce Portrait Émotionnel
Dans ce portrait émotionnel, Gaël nous livre un regard clair, lucide et apaisé sur les émotions dans le travail.
Il nous rappelle qu’on peut être engagé sans se laisser submerger.
Que la bienveillance, ce n’est pas de la mièvrerie, mais de la rigueur humaine.
Et qu’avant d’espérer changer les autres, il faut commencer par apprendre à s’aimer soi-même.
Merci Gaël pour ce partage sans filtre, stimulant et profondément humain.