Témoignage de Laurent Brouat
Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.
Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.
Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.
Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.
Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici
Laurent Brouat est le fondateur de Inspire Média et du Podcast « Il était une fois l’entrepreneur ». Auparavant, il a créé « l’école du recrutement » qu’il a revendu à ses salariés en 2020.
Vous découvrirez son rituel matinal pour aborder la journée dans les meilleures dispositions !
Pour Laurent, « l’épanouissement professionnel, c’est trouver sa place en tant qu’individu relié à ses besoins et à ses désirs tout en faisant avec la pression sociale. »
Merci Laurent de t’être laissé prendre au jeu des questions Fullémo !
1. Comment définis-tu ton métier ?
Laurent Brouat : Je me définirais comme un conteur d’entreprises. Mon objectif est de raconter les histoires telles qu’elles ont été vécues en mettant l’accent sur les plans émotionnels et authentiques.
On retrouve la vie avec les hauts et les bas dans le récit. C’est un peu comme un conte pour enfants mais une version pour adultes et dans une entreprise. Mon métier aujourd’hui : je raconte des expériences de vie entrepreneuriale.
2. Quel est le sens que tu donnes à ton Job ?
Laurent Brouat : Je sors d’une expérience entrepreneuriale qui, si on regarde sur le papier, a plutôt été couronnée de succès : en dix ans je suis passé de tout à seul à quinze salariés mais je n’étais pas heureux.
Je n’étais pas heureux car je ne faisais pas des choses qui me rendaient heureux. Le sens pour moi aujourd’hui est de trouver du plaisir dans ce que je fais, de faire des choses que j’aime, c’est très important. Si je n’éprouve pas de plaisir, je ne peux pas durer et je régresse, je suis malheureux.
Aujourd’hui, je suis nourri, je lis, j’écris, je fais des choses que j’aime fondamentalement. C’est le job que j’aurais pu imaginer quand j’étais petit.
J’ai eu besoin de passer par la case succès, de cocher cette case sociale, de réussir quelque chose même si fondamentalement ce n’était pas moi. Maintenant que j’ai fait ça, je peux passer à la case plaisir, identifier mes besoins et ce que j’ai vraiment envie de faire.
Ma contribution est d’essayer de donner du sens aux autres en racontant des histoires. C’est comme le conteur pour les enfants dont l’objectif est de donner du sens au monde, là j’essaie de donner du sens au monde du travail avec des histoires qu’elles soient positives ou négatives. J’essaye de donner une direction, une explication que les gens puissent y trouver de l’inspiration.
Il y a quelque chose de l’ordre du sacré. J’ai l’image d’une assemblée autour d’un feu, je raconte l’histoire, et une fois l’histoire racontée, chacun y trouve du sens à sa manière, est inspiré, se met en mouvement.
3. Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?
Laurent Brouat : L’impact de mes émotions est énorme, elles ont un impact sur quasiment tout. Derrière l’émotion, il y a la décision. S’il y a la bonne émotion, il va y avoir la bonne décision et quand je ne suis pas bien émotionnellement, je prends de mauvaises décisions, je commets des erreurs. Il y a un cercle vicieux qui se met en place. L’émotion est mon moteur. Les émotions me guident, j’en ai conscience et je travaille tous les jours avec.
Plaisir et besoin sont des choses auquel je suis très attentif. Quand je ne vais pas bien, j’essaie de comprendre pourquoi et d’identifier ce qui me manque pour que je puisse y répondre. C’est un travail qui n’est pas simple.
Les émotions sont un signal, elles me permettent de comprendre quels sont les besoins à nourrir.
4. Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es senti dépassé par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassé) ?
Laurent Brouat : La dernière réunion que j’ai eu avec l’équipe mon ex-entreprise, « l’école du recrutement », que j’ai d’ailleurs racontée dans mon podcast. J’étais totalement dépassé par mes émotions car je ne voulais pas partir dans ces conditions difficiles. Je me suis mis à pleurer devant une dizaine de personnes. Je regrettais de partir de cette manière, d’avoir fait et dit des choses que je ne pensais pas vraiment, et je n’ai pas su gérer la situation. Les pleurs ont été la façon de passer le cap.
Exprimer la tristesse a permis aux autres de constater que je n’étais pas bien et qu’il était temps de terminer l’aventure. Cela a permis de faire baisser la tension, de poser les choses, d’apaiser, sans tout résoudre. L’expression de l’émotion a permis de dire ce que je ressentais.
5. Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?
Laurent Brouat : La reformulation quand je suis avec quelqu’un, pour bien comprendre d’où vient le problème.
Reformuler pour bien comprendre d’où vient l’émotion est très important que ce soit pour soi ou pour les autres.
Quand je suis seul, prendre du temps pour moi, faire autre chose.
Je suis un homme d’habitudes et de rituels. Je pars du principe que c’est la discipline qui m’aide à être meilleur. Chaque matin, je fais dix minutes de yoga, dix minutes de sport, dix minutes de douche froide. Ensuite j’ai un petit mantra que je lis avec une petite musique pour voir où j’en suis, si je suis aligné avec ce mantra. Je me suis donné cette demi-heure de travail sur moi pour me mettre sur la bonne voie, dans les meilleures dispositions pour attaquer ma journée.
Si dans la journée j’ai une mauvaise nouvelle, je l’exprime dans ma newsletter, c’est mon exutoire. Je l’exprime et le partage. C’est une façon de le laisser en place publique, d’y mettre de la distance. Les lecteurs vivent les choses avec moi au quotidien et voient que ce n’est pas simple, qu’il y a des hauts et des bas.
6. Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?
Laurent Brouat : Pour moi, l’épanouissement professionnel, c’est être au bon endroit et faire la bonne chose pour soi. Ce n’est pas simple. L’épanouissement professionnel est le travail d’une vie. Il n’y a pas de secret et il faut y travailler tous les jours. Dans la même journée je peux me dire que c’est horrible et peu après me dire que c’est aligné avec ce que je veux faire.
L’épanouissement professionnel, c’est trouver sa place en tant qu’individu relié à ses besoins et à ses désirs tout en faisant avec la pression sociale. Le chemin est plus intéressant que l’arrivée. J’en suis encore à quarante-six ans à me poser la question de « ma place » tous les jours. Je pense que c’est une question saine, il faut la garder. Le doute peut être dangereux pour avancer mais pas pour moi. Le doute est créatif, il me permet d’être meilleur dans ce que je fais.
Je vois aussi une dimension spirituelle au fait de trouver sa place. La difficulté est de se détacher de sa définition sociale. Aujourd’hui j’ai deux chemins possibles : continuer à travailler avec des free-lance ou embaucher des salariés. J’ai compris que mon chemin est d’être un artisan. J’aime faire les choses moi-même, Je ne pense pas que je vais recréer une boite comme avant car cela ne correspond pas à ma façon d’être. Je suis un artisan, c’est là ma place.