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Pour à la fois sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail mais aussi libérer la parole émotionnelle, Fullémo réalise un recueil de témoignages sincères et authentiques.
Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.
Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs et ainsi favoriser leur épanouissement professionnel.
Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici
Fondatrice de Goodness and Co, plateforme de conseil en transformation positive, Isabelle Grosmaitre accompagne les leaders qui souhaitent passer des mots à l’action sur le volet RSE.
Isabelle est animée par la conviction profonde qu’il est possible de changer le monde et qu’accompagner les entreprises sur les enjeux sociétaux et environnementaux y contribue.
Isabelle pointe l’importance du partage social, stratégie de régulation émotionnelle clairement identifiée, quand elle traverse des moments difficiles, des périodes de doutes : elle n’hésite pas à assumer et afficher son besoin d’aide, de feedback… en faisant appel à sa tribu, à toutes les femmes qui l’entourent et lui « donnent une force incroyable ».
1. Comment définis-tu ton métier ?
Isabelle Grosmaitre : Au-delà de mon métier, je vais commencer par qui je suis. Je suis une catalyste du changement au service de l‘impact.
J’ai toujours voulu contribuer à un monde meilleur et il y a de nombreuses façons d’opérer. J’ai toujours cru au rôle des entreprises comme principal levier de notre société. Je crois qu’aujourd’hui encore plus qu’hier, c’est par l’entreprise que nous y arriverons.
Aujourd’hui, je suis la fondatrice d’une plateforme de conseil en transformation positive, Goodness and Co.
J’ai créé cette entreprise sur une conviction profonde qui m’anime : nous sommes en train de vivre un moment de bascule très important où les entreprises n’ont plus d’autres choix que de démontrer leur contribution à la société, c’est-à-dire de créer du sens, de s’emparer des enjeux environnementaux et sociétaux. Le temps est à l’action et seules les entreprises ayant un impact positif dans la société seront choisies par les gens : collaborateurs, partenaires, investisseurs… La question aujourd’hui n’est plus « pourquoi » ? mais « comment » ? C’est pour cela que j’ai créé Goodness and Co, pour être au service des équipes dirigeantes, afin de les aider à réussir ces transformations et faire de la raison d’être une véritable boussole qui guide leurs décisions et l’engagement de tous.
2. Quel est le sens que tu donnes à ton Job ?
Isabelle Grosmaitre : Le sens est très lié à mon job, j’ai toujours voulu contribuer à un monde meilleur, voire, à changer le monde.
Est-ce que c’est parce que je viens d’une famille de scientifiques ou parce que j’ai conscience des grands défis de la société et que j’ai juste envie d’y contribuer un peu à mon échelle ?
Le sens et mon métier ne font qu’un.
Le sens et donc ce qu’on appelle la raison d’être dans les entreprises devient la boussole, la boussole qui guide à la fois les décisions mais aussi l’engagement des gens
Cela signifie pour Goodness que nous pouvons aider les équipes dirigeantes à définir leur raison d’être mais surtout à lui donner vie. Il s’agit également de définir leur stratégie RSE, en allant de la stratégie à l’implémentation.
Nous accompagnons les entreprises à devenir entreprise à mission ou à obtenir le label B Corp*. Nous mettons en place des gouvernances plus collaboratives et inclusives. Cela permet d’engager pleinement la transformation de ces entreprises et miser sur la puissance de la transformation. C’est cela qui distingue les entreprises qui réussissent sur le chemin de l’impact versus les autres.
Aujourd’hui, de plus en plus de leaders sont conscients de la nécessité d’être utile au monde, là où il nous reste du chemin à faire, c’est sur la nécessité de réinventer des modèles de gouvernance. C’est le moyen pour vraiment engager les personnes avec la tête et le cœur.
Il y a de nombreux nouveaux modèles de gouvernance possibles. Ce peut être de mettre en place un comité des parties prenantes pour aider dans les décisions stratégiques et guider sur le chemin de la vision définie ensemble. On peut aussi donner la voix à un comité nouvelle génération… Il y a plein de façons de faire en fonction de la culture de l’entreprise, de l’envie du dirigeant.
B Corp (Benefit Corporation)
*B Corp (Benefit Corporation) est un label international octroyé aux sociétés répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public. Évaluer, comparer, améliorer : https://www.bcorporation.fr
3. Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?
Isabelle Grosmaitre : pour moi l’engagement c’est ma vie !
Je m’engage pour de vrai pleinement avec la tête et le cœur à 100% dans tout ce que je fais.
S’engager pleinement ne veut pas dire réussir pleinement, on a le droit de se tromper, de mettre le genou à terre, de ne pas avoir pris la bonne décision à un moment. C’est ok.
On apprend sur ce chemin. Évidemment on peut se faire mal. C’’est un parti pris que j’ai choisi.
Les émotions ont souvent été très fortes chez moi : quand je suis triste, je suis mille fois plus triste, quand je suis heureuse, je suis mille fois plus heureuse. Quand j’étais adolescente je dois dire que c’était très difficile à gérer pour moi.
Cela se conjugue avec autre chose : j’ai été éduquée dans une autorité droite, dure, qui laisse peu de place à l’émotion, être toujours forte, une espèce de roc.
Plus j’ai grandi sur mon chemin de vie, plus je me suis rendue compte que ces émotions pouvaient être ma force.
Ce changement n’est pas facile. J’ai shifté. Aujourd’hui je m’accepte avec 100% de mes émotions. Ce qui me rend beaucoup plus vulnérable.
Je ne suis pas du tout un leader qui sait tout, qui n’a jamais de moment down, qui ne doute pas… Comme je vise toujours la lune, les moments down sont difficiles à gérer en termes d’ascenseur émotionnel. Cela déstabilise aussi parfois mon entourage, j’en ai conscience. Je crois que cela peut être une force. Ce n’est pas si simple, c’est le chemin d’une vie. C’est finalement oser s’assumer pleinement.
« Vivre mes émotions à 100% avec la tête et le cœur c’est un choix que j’ai fait, inhérent à ma personnalité et qui je suis, mais aussi un choix indispensable sur le chemin de l’impact.«
Quand je suis vulnérable j’autorise davantage les gens à être eux-mêmes, il n’y a pas de « poker face », c’est le premier point que j’ai appris. La deuxième chose est de reconnaître que je crois fondamentalement que la vie est un chemin d’apprentissage et que nous grandissons sur le chemin. J’essaie de partager ce que j’apprends sur ce chemin.
4. Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es sentie dépassée par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassée) ?
Isabelle Grosmaitre : Cela m’arrive très souvent.
Une année a été un point de bascule pour moi, l’année 2019. Ce n’est pas un moment particulier mais une année où cela a été un chamboulement très fort, un tourbillon émotionnel.
Il y a trois dimensions qui s’entre chevauchaient, où je n’étais vraiment pas bien. La première, c’est au sujet de l’impact. On dit souvent que c’était l’année de la prise de conscience climatique.
La face nord de l’Olan s’est écroulée dans le massif des Ecrins, on a aussi observé des prises de conscience en haut du Mont-Blanc dues au réchauffement climatique. Il y a eu aussi la première marche des jeunes pour le climat, le développement de Yuka, la Loi Pacte qui encourage les entreprises à s’engager sur la raison d’être…
Cette prise de conscience montait, c’était un mouvement. Comme j’ai toujours travaillé sur ces sujets-là j’étais à la fois très heureuse, joyeuse de voir que ça prenait et parfois j’avais très peur.
Si on regarde le rapport du GIEC cette année-là, j’avais très peur.
J’étais envahie par des émotions contraires, il y avait à la fois quelque chose de très puissant par le mouvement et qui m’encourageait sur le mouvement et quelque chose qui me faisait peur.
À l’époque, je menais la transformation du Groupe Danone sur le plan international aux côtés d’Emmanuel Faber. Nous étions en train de démontrer des choses pionnières et extraordinaires en termes d’impact. En même temps nous avions besoin de passer une marche importante d’intégration. Nous rencontrions beaucoup de résistances des derniers bastions, avec lesquels c’était forcément plus compliqué.
J’étais aussi élue co-présidente d’une organisation mondiale le CGF (The Consumer Good Forum) et je reportais à un conseil d’administration de 58 dirigeants. Depuis quatre ans il y avait quelques dirigeants éclairés mais très peu, en 2019, j’ai vu la salle basculer. Les leaders éclairés autrefois isolés sont devenus la majorité. La question de ces grands dirigeants d’entreprises n’était plus « est-ce qu’on y va, un peu beaucoup ou à la folie » mais « comment on y va pour de vrai ? ». Peu importe la raison, ils avaient conscience que c’était maintenant.
J’étais dépassée parce que beaucoup de choses se mêlaient en moi
Comme j’ai toujours rêvé d’entreprendre, je me suis dit « et si j’entreprenais non pas au service d’une seule équipe dirigeante mais au service de plusieurs équipes dirigeantes pour les aider à la transformation ? ». Ce n’était pas une décision facile, alors que je vivais ce tourbillon émotionnel.
Souvent, quand je suis dépassée par mes émotions, quand je parviens à apprivoiser mes émotions, cela peut-être une force et m’aider à grandir. Je grandis parce que je m’aperçois que je suis plus puissante dans le bon sens du terme.
« Nous sommes plus puissants quand nous accueillons nos émotions et que nous osons. »
5. Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?
Isabelle Grosmaitre : J’ai trois techniques principales et j’utilise souvent les trois dans la même journée.
Comme je cherche toujours à contribuer à un monde meilleur, à changer le monde, à remonter le courant, je ressens souvent de la peur.
Il y a un mois par exemple j’ai été choisie pour parler à Davos, événement mondial où il y a les plus grands dirigeants du monde. J’ai été choisie pour faire partie des cent femmes de Davos. Là, j’ai eu super peur, mon syndrome de l’imposteur a surgit…
J’ai appris à me poser une question quand j’ai très peur : « De quoi ai-je peur ? »
Cela m’aide à progresser et à dépasser cette peur. Souvent nous avons peur et sommes envahis par l’émotion. Si nous nous disons pourquoi nous avons peur, nous réalisons que nous imaginons un risque beaucoup plus grand que le risque réel.
C’est ma première technique qui fait dégonfler l’appréhension.
La deuxième chose quand j’ai des problématiques émotionnelles, je cherche l’alignement entre mes décisions et mes actes, entre qui je suis et ce que je fais.
C’est facile d’être aligné une fois, mais plus difficile d’être alignée tous les jours. Quand je ne suis pas à l’aise avec cette question d’alignement, je prends une pause, je dis « stop, je n’ai pas besoin de décider maintenant ». Je prends une heure, un jour, une semaine, peu importe. Je réaligne mes planètes et après je vois si c’est aligné avec ce qui compte pour moi. Ensuite, la décision est assez claire.
La troisième technique, c’est ma tribu, sur laquelle je m’appuie énormément. Plus j’avance en âge, plus j’ai la chance d’être entourée de femmes extraordinaires.
Les femmes dans mon environnement sont nombreuses, qu’elles soient des alliées, partenaires, collaboratrices… Avec ces femmes extraordinaires souvent nous nous entraidons, nous challengeons, nous disons les choses, nous sommes courageuses. Sur ce chemin, cela me donne une énergie incroyable, me donne envie de déplacer des montagnes. Souvent je fais appel à ma tribu quand j’ai des doutes.
« Je crois profondément à la sororité. »
J’utilise ces techniques dans des contextes très différents : quand je passe trois marches d’un coup par exemple, je me pose la question de la peur.
Quand je ne suis pas à l’aise et que je vais chercher de l’alignement, souvent c’est parce que j’ai besoin de renoncer et je ne suis pas très forte dans le renoncement.
Là où j’ai vraiment besoin de faire « Pause » c’est quand j’ai des énergies contradictoires autour de moi.
6. Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?
Isabelle Grosmaitre : Je dirais deux choses assez évidentes pour moi.
L’épanouissement professionnel, c’est d’abord se sentir utile au monde. Être un leader qui fait progresser une cause qui me dépasse totalement. La nécessité de réinventer nos modèles pour contribuer à un monde meilleur et réussir. C’est le défi dont nous avons besoin. C’est aussi contribuer, apporter ma pierre à l’édifice. Nous avons choisi d’accompagner les leaders que nous appelons « éclairés ». Ceux qui sont prêts à faire bouger les lignes de leur secteur pour générer un effet boule de neige auprès d’autres.
Le deuxième point, tout aussi essentiel, l’épanouissement professionnel est avant tout une aventure collective. Sur le chemin de l’impact, on y va ensemble. Personne n’a réussi seul. Nous avons vraiment besoin les uns des autres pour réussir. Faire partie de ce mouvement d’acteurs du changement, que ce soit avec ma super équipe avec laquelle je suis tellement heureuse de collaborer, qu’avec nos clients qui nous encouragent à aller plus loin, plus vite sur le chemin de l’impact. C’est aussi une aventure partagée avec nos partenaires, nos amis, tout ce mouvement d’acteurs du changement. Je suis tellement heureuse de faire partie de ce mouvement pour apprendre et progresser ensemble sur le chemin.
« Pour conclure, j’ai envie de dire que c’est possible de changer le monde, de réconcilier impact et performance à la seule condition de s’engager avec la tête et le cœur.«