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PORTRAIT ÉMOTIONNEL #10 Témoignage de Valérie Lorentz-Poinsot

ÉMOTIONS PARTAGÉES Témoignage de Valérie Lorentz-Poinsot

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Pour à la fois sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail mais aussi libérer la parole émotionnelle, Fullémo réalise un recueil de témoignages sincères et authentiques.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs et ainsi favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Valérie Lorentz-Poinsot est Directrice Générale des Laboratoires Boiron, présidente de l’International Women’s Forum de la région Auvergne-Rhône-Alpes et co-présidente du club des E.T.I (Entreprise de Taille Intermédiaire), de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Radar émotionnel, solitude du dirigeant et bouffées de bonheur : Valérie partage sa vision de l’épanouissement professionnel et du rôle des émotions dans son quotidien.

Un grand merci pour ce partage vif et spontané !

1. Comment définissez-vous votre métier ?

Valérie Lorentz-Poinsot : Mon métier est de faire réussir une entreprise et les hommes et les femmes de cette entreprise, c’est de faire réussir un projet.

Faire réussir dépend du contexte. Sur les trois dernières années, c’était s’assurer que l’entreprise sorte de l’impasse. Nous étions dans une situation très complexe du fait des attaques sur l’homéopathie et du déremboursement. Je savais qu’il y aurait des moments difficiles et qu’il faudrait passer le cap. Toutes les entreprises ont des hauts et des bas qu’il faut gérer. Ainsi, il est parfois tout aussi compliqué d’accompagner une entreprise en très forte croissance.

Mon métier est de faire en sorte que l’entreprise puisse perdurer et que les hommes et les femmes de l’entreprise puissent garder leur emploi, ce qui n’est pas toujours possible. Nous avons dû licencier 512 personnes pour ne pas en licencier 3000, demain. C’est cela que je mets derrière la notion de « faciliter le passage des différentes étapes de vie de l’entreprise ».

2. Quel est le sens que vous donnez à votre Job ?

Valérie Lorentz-Poinsot : Le sens est rattaché à ma mission : c’est faire en sorte que des hommes, des femmes, des animaux puissent bénéficier, entre autres solutions de santé, des atouts du médicament homéopathique. Aujourd’hui, le sens que je donne à mon job est très attaché au produit. Le sens serait différent s’il s’agissait d’un autre produit. Mais vu que j’ai constaté à titre personnel et autour de moi l’intérêt de l’homéopathie, je trouve vraiment dommage qu’il y ait des gens qui ne connaissent pas l’homéopathie, ou que leur médecin n’oriente pas vers l’homéopathie alors que celle-ci pourrait les aider à moins souffrir.

Quand j’étais présidente du conseil de surveillance d’une entreprise qui produisait des polyphénols, ce n’était pas le même projet. Le sens était d’aider le directeur général à réussir et faire en sorte qu’on soit fier que l’entreprise s’en sorte car elle était en difficulté au départ. Le sens était lié au métier car je n’étais pas dans l’exécutif.

Si demain je travaille dans une autre entreprise je donnerai encore probablement un autre sens.

Je rattache le sens à la mission et au domaine dans lequel je peux avoir un impact. C’est surtout la volonté d’avoir un impact et de rendre service, d’aider les gens, de faire connaître des solutions.

3. Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?

Valérie Lorentz-Poinsot : Je travaille tous les jours sur mes émotions car elles ont un impact énorme : elles fatiguent, elles peuvent faire prendre de mauvaises décisions, elles peuvent toucher une équipe. Ce n’est pas facile de travailler sur ses émotions : la colère ou la tristesse vont agir sur le travail et les collaborateurs. Cela m’arrive d’être en colère, environ une fois par an. Dans ce cas, c’est une colère que j’ai décidée parce que ça ne va pas du tout. J’ai beaucoup travaillé et je travaille encore au quotidien sur mes émotions. J’ai aussi recours à un coach. Je me demande si je suis juste dans mon émotion, j’essaie d’en mesurer les impacts. Je m’efforce de bien dissocier ce qui vient de mes émotions (et qui m’appartient), de la réalité. 

Je sais que mes émotions ont un impact considérable. Je les questionne, me demande comment je me sens, si l’émotion est juste : soit elle est liée à quelque chose en nous qui nous ramène à notre histoire personnelle, soit elle est liée à quelque chose qui ne va pas. L’émotion agit alors comme un radar : soit un radar intérieur, soit un radar que je dois utiliser pour éviter une erreur à l’entreprise, pour me rendre compte de quelque chose ou encore pour avoir une idée. Cela peut être une émotion positive, de joie et je l’utilise aussi.

Dans certaines décisions, si cela m’apporte de la joie, si je suis à l’aise, je vais tempérer mes ardeurs et une fois que c’est passé, je vais aussi écouter mon intuition. Si je le sens vraiment, j’y vais. De la même manière, si c’est une colère, je vais réagir et prendre une décision claire, nette, précise.

On est seul pour décider quand on est dirigeant. Parfois l’entourage veut nous faire aller dans une direction et il faut être assez costaud pour dire qu’on n’est pas d’accord, être ferme. Cela nécessite de beaucoup travailler sur soi, ce que j’essaye de faire dans mon quotidien.
Je reviens au sens, au métier, au projet, si je pense que c’est bon pour le projet j’avance, même s’il faut dire non à telle autre chose.

4. Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions (ou vous avez craint d’être dépassée) ?

Valérie Lorentz-Poinsot : Quand j’ai été nommée Directrice Adjointe de Boiron. J’avais 38 ans, je venais d’accoucher de mon dernier enfant et je devais manager des personnes qui m’avaient recrutée ou qui avaient dix ans de plus que moi et connaissaient l’entreprise depuis bien plus longtemps que moi.  Ma réaction a été de me dire « il ne faudrait pas que ça se passe mal ». J’ai eu un peu de peur, et du coup je m’en suis sortie en mettant du process pour me détacher de l’émotionnel et bien gérer la situation.

J’ai alors conduit des entretiens avec chacune des personnes et ai défini les valeurs partagées. Humainement et professionnellement, cela a donné un très beau résultat. Je suis restée très proche de deux de ces personnes, femmes, qui sont désormais à la retraite.

Parce que j’avais repéré cette émotion de « peur que ça ne se passe pas bien », ou d’être dépassée par cela, j’ai géré cette peur et la prise de poste s’est très bien passée. Il ne faut pas critiquer les peurs, les peurs sont des cadeaux.

5. Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations qui vous impactent émotionnellement ?

Valérie Lorentz-Poinsot : J’utilise des dictons que ma grand-mère employait tout le temps : « La bave du crapaud n’atteint pas la blanche colombe » (laisse glisser), « chaque marmite a son couvercle » (chaque problème a sa solution). J’utilise aussi la respiration, la marche et la prise de recul. Je m’appuie aussi sur le temps, qui est un allié.

J’ai des rituels : tous les matins, je marche trente minutes et fais dix minutes d’exercices de Pilates. Quand j’arrive assez tôt au Laboratoire, j’ai pris mon temps pour moi et je suis disponible pour les autres.

Mon adage à moi : Respirer, Réfléchir, Réagir, toujours dans cet ordre.

6. Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?

Valérie Lorentz-Poinsot : Je ne sais pas si je définis l’épanouissement professionnel mais je le ressens. J’ai des bouffées de bonheur : je suis contente car j’aime bien ce que je fais. Si je n’éprouvais plus de plaisir, je ne serais plus là. Il faut que je ressente du plaisir à faire ce que je fais, à voir les gens avec lesquels je travaille : mon assistante, les membres du CODIR, les salariés, les clients… L’épanouissement est lié au plaisir et aux personnes.

Je pense qu’il faut prendre en considération que les émotions ont un impact sur la qualité du travail et le bien-être des salariés. Il faut aussi bien gérer les émotions positives que négatives. Il faut s’exprimer, dire ce qu’on a sur le cœur. Je dis à mes équipes : « Vous serez plus fatigués par un désaccord que d’avoir beaucoup travaillé »

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