Blog des sérials learners

PORTRAIT ÉMOTIONNEL #3 Témoignage de Gaël Chatelain-Berry

Gaël Chatelain-Berry

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Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.

Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Gaël Chatelain-Berry est auteur, créateur du podcast Happy Work, chroniqueur pour le magazine Psychologies et La Tribune et conférenciers.

Gaël est surtout déterminé pour changer le monde de l’entreprise. Pour cela il prône notamment le management par la bienveillance et lutte contre le sexisme en entreprise

Dans cette interview, vous découvrirez comment Gaël s’appuie sur ses émotions au gré de ses activités et sa grande capacité à relativiser.

Un grand merci Gaël pour ce moment de partage !

1. Comment définissez-vous votre métier ?

Gaël Chatelain-Berry : Je résume mon métier ainsi : quel que soit le support ou la modalité (Auteur, conférencier, chroniqueur, consultant.), essayer d’un côté de rassurer les gens qui ne vont pas bien, donner des trucs pour qu’ils aillent mieux, et de l’autre, faire en sorte que les managers prennent conscience de leur rôle absolument fondamental dans le bien être au quotidien.

2. Quel est le sens que vous donnez à votre job ?

Gaël Chatelain-Berry : Très modestement, changer le monde de l’entreprise.

J’ai passé ma vie à ça. J’ai passé un peu plus de vingt ans en tant que manager dans des grands groupes média où j’encadrais de très grosses équipes dont des managers. Je croyais que manager était finalement assez intuitif, mais j’ai réalisé que non.

Fondamentalement, pour être manager, il suffit d’appliquer ce que nos parents en général nous apprenaient : ne crie pas, dis bonjour à la dame, dis bonjour au monsieur, dis merci. Si un enfant de 3 ans peut le comprendre, il n’y a pas de raison qu’un adulte ne puisse pas le faire. Et pourtant les managers l’oublient. Le sens est peut-être de revenir à des basiques.

Il faut savoir qu’une des premières sources de démotivation des salariés est le fait que leur manager ne leur dise pas bonjour. On en est à ce niveau-là. On a l’un des pires managements des pays au monde.

J’ai fait une grande école de commerce, une des meilleures de France et je crois qu’en trois ans j’ai eu deux heures de management. On a donc ce qu’on mérite, un mauvais management. Je ne stigmatise pas les managers, je l’ai été moi-même pendant des années.

Les entreprises commencent à comprendre que sans management, on ne recrute pas de talents, on ne les fidélise pas. Je suis ravi de constater que de plus en plus d’entreprises dans des secteurs variés commencent à avoir du mal à recruter parce que le chômage baisse, et ce n’est pas réservé aux développeurs informatiques, aux serveurs dans les restaurants ou aux comptables, la difficulté à recruter est de plus en plus forte.

On est ainsi passé du stade où le management bienveillant était une option à celui où il est désormais une exigence absolue des salariés.

Les salariés d’aujourd’hui demandent du respect et savent qu’ils peuvent facilement aller voir ailleurs. Pour la génération précédente, c’était plutôt « Si tu n’es pas content, il y en a dix qui veulent ton poste ».

Le rapport de force s’inverse et les entreprises sont en train de réaliser qu’il va falloir changer les choses.

La crise du Covid a été un accélérateur incroyable et a permis de remettre les exigences des collaborateurs au cœur de l’entreprise.

L’exemple trivial du télétravail : désormais il n’y a pas un entretien de recrutement dans lequel le candidat ne pose pas la question : « Quel accord de télétravail avez-vous ? » Alors qu’avant la pandémie ce n’était pas une question car ce n’était pas dans les us et coutumes des entreprises françaises. La pandémie a été plutôt un accélérateur qu’un révélateur.

La pandémie a changé de nombreuses choses et notamment notre regard sur le travail.

3. Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?

Gaël Chatelain-Berry : Cela dépend de quel travail en l’occurrence. Finalement assez peu sur le travail d’écriture d’articles ou de podcasts.

L’écriture d’articles est une activité très cartésienne. J’essaie justement de ne pas mettre d’émotions car si je mets mes émotions, mon message perd en crédibilité. Mon métier sur les contenus de type articles ou podcasts n’est pas de partager mes émotions mais de permettre aux gens de faire un pas de côté pour poser un regard objectif sur une situation.

Quand je parle de l’importance de la gestion des émotions dans un article je ne peux pas mettre mes propres émotions dedans. Cela ne veut pas dire pour autant que ce n’est pas quelque chose qui me touche parfois, mais mon positionnement est davantage d’essayer de rationaliser des choses qui ne semblent pas rationnelles. Avec encore une fois du bon sens, c’est-à-dire que si vous me lisez ou m’écoutez, j’ai 300 mots de vocabulaire, pas un de plus. Je n’essaie pas de prétendre être plus intelligent que la moyenne mais j’essaie d’être plus pragmatique que la moyenne. Je crois que les émotions viendraient perturber le message.

Néanmoins, quand j’écris un roman, par exemple « Soit un homme ma fille », là bien entendu, les émotions sont très présentes. Et là c’est même un lien émotionnel, je suis amoureux de ce livre et de mon héroïne. C’est donc profondément émotionnel. C’est un an de vie commune avec un personnage qui ne vit que dans ma tête. C’est un peu schizophrénique. Oui, l’écriture d’un roman c’est profondément émotionnel. C’est émotionnel et schizophrénique parce qu’il faut adopter les émotions de nombreux personnages.

Quand on crée un personnage, ce n’est pas comme écrire un livre de développement personnel. Quand on crée un personnage, il est crédible si on le rend vivant et pour le rendre vivant, c’est profondément émotionnel.

4. Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes senti dépassé par vos émotions (ou vous avez craint d’être dépassé) ?

Gaël Chatelain-Berry : Je vais être très franc. J’ai toujours considéré mon travail comme un détail, même en entreprise. Quel que soit l’émotion j’ai toujours mis le travail à sa juste place c’est à dire Rien. J’ai toujours considéré le travail comme nécessaire pour payer les factures, tant mieux si on s’amuse, mais j’ai toujours considéré ma vie personnelle comme étant incroyablement plus importante. A partir du moment où on met le travail à sa juste place, qu’on a conscience de cela, on ne peut pas se sentir dépassé par ses émotions. On maîtrise ses émotions. Et pourtant, j’ai vécu des situations délicates : j’ai été viré presque manu militari, des situations très violentes, des salariés qui me poussaient à bout, j’ai dû licencier des gens… Mais pour autant à partir du moment où j’ai toujours eu cette distance depuis que j’ai commencé à penser « ce n’est qu’un travail », je n’ai pas souvenir d’avoir eu peur ou d’avoir été dépassé par mes émotions.

Pour moi, l’énervement est la preuve suprême de l’échec.

Il y a très longtemps, je me suis fait la promesse de ne jamais m’énerver. Je n’y suis pas arrivé à 100% tout le temps mais quasiment en permanence. J’analyse froidement et de façon cartésienne la personne en face de moi. Si je ne me maîtrisais pas, je ne répondrais pas de mes actes, mais pour autant la pensée n’est pas action et je n’ai pas besoin de lutter. Encore une fois, j’ai une analyse cartésienne et froide de mes émotions quand il s’agit du travail.

J’aime la citation de Sénèque « La vie ce n’est pas d’attendre la fin de l’orage mais d’apprendre à danser sous la pluie. » Voilà, je résumerais ma vie professionnelle à cela : j’ai beaucoup dansé sous la pluie.

5. Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations qui vous impactent émotionnellement ?

Gaël Chatelain-Berry : Toujours relativiser.

Je me réveille chaque matin en me disant quel que soit la mauvaise journée d’hier, aujourd’hui va pouvoir être incroyable. C’est une réalité. Une situation n’a rien de définitif. Je crois que le jour où je deviendrai fataliste, il faudra que je change de métier.

Quelque chose contre lequel je lutte, et je lutterai contre jusqu’à la fin de mes jours, c’est le prisme négatif des français sur le monde.

Un français ne dira jamais « c’est bon », il dira « ce n’est pas mauvais », il ne dira jamais « c’est beau », il dira « ce n’est pas moche ». On a ce prisme négatif sur tout y compris sur nous-mêmes. C’est assez horripilant. Si on veut être bien dans ses baskets, la première réaction à avoir c’est sur soi et faire son autocritique : ok, je ne suis pas parfait, mais après tout c’est déjà pas mal.

Quand vous avez un abruti devant vous, vous n’avez jamais intérêt à rentrer dans son jeu. C’est ce que j’appelle le syndrome du Chihuahua et du Pitbull. Un Pitbull ne va jamais aboyer mais le Chihuahua aboie tout le temps. Restez une minute en silence devant le Chihuahua et il va s’arrêter. Les êtres humains fonctionnent pareil. Vous êtes en face d’un abruti qui vous hurle dessus, vous ne dites rien. Vous attendez que ça passe et puis vous dites « je comprends que tu es énervé, je n’aime pas la façon dont tu t’exprimes, qu’est-ce qu’on fait ? ». Il n’y a rien de mieux devant quelqu’un qui ne sait pas maîtriser ses émotions que de maîtriser les siennes. Mettez deux Chihuahuas l’un en face de l’autre, les discussions philosophiques sont assez rares.

6. Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?

Gaël Chatelain-Berry : Je vais paraphraser Confucius, c’est ne pas avoir le sentiment de travailler. Je ne pense pas que cela puisse être un objectif car la majeure partie de nos concitoyens travaille pour payer leurs factures. Je crois donc de moins en moins, même si ce n’est pas politiquement correct, que l’épanouissement professionnel doit être un des objectifs prioritaires et majeurs dans l’état actuel de la société. Je pense qu’il faut déjà penser à son bien-être. On a le droit de s’ennuyer à son travail, on a le droit de ne pas aimer son travail, on a le droit de ne pas trouver son travail génial, mais, on n’a pas le droit de ne pas travailler sur son bien-être. Si on s’ennuie au travail, on va faire ses heures pour gagner son salaire mais on doit s’épanouir dans sa vie personnelle, pratiquer du sport, s’impliquer dans une association, s’éclater avec son compagnon, sa compagne, ses enfants… Mais je ne crois pas que l’épanouissement dans le travail soit une finalité.

Je suis un fervent opposant au concept de bonheur au travail. C’est une injonction scandaleuse qui devrait être mise au pilori de la langue française, bonheur et travail.

Il y a des gens qui culpabilisent d’effectuer un travail qu’ils n’aiment pas. Fondamentalement, ce n’est pas un drame d’avoir un travail qui ne nous plaît pas.

J’ai la chance d’avoir des talents que je peux exploiter et qui me permettent de faire un métier de passion. Tout le monde n’a pas la chance de trouver sa passion ou de pouvoir vivre de sa passion. Il y a des gens qui sont passionnés par le macramé mais objectivement c’est difficile d’en faire un métier. Je n’ai rien contre le macramé. Si je suis passionné de macramé, ok, je vais faire un travail alimentaire et à coté je vais m’éclater à faire du macramé.

L’épanouissement personnel au sens global vie personnelle et professionnelle, c’est trouver un sens à sa vie, c’est aussi bête que cela. C’est ce pourquoi je suis sur terre. Je pense qu’avoir conscience qu’on est utile et que notre existence n’est pas qu’une goutte d’eau dans l’océan de l’humanité, c’est fondamental. J’ai la conviction profonde que tout le monde devrait se poser la question.

Pour conclure, le premier et le seul message que je voudrais faire passer, qui résume tout, c’est apprendre à s’aimer soi-même. Avec tous les défauts qu’on a, avec toutes les rides qu’on peut avoir, avec tous les bourrelets qu’on peut avoir, avec toutes les bêtises qu’on peut faire, juste se dire qu’on est comme ça, qu’on n’a pas le choix et apprendre à s’aimer à se dire « oui, ok ».

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