Blog des sérials learners

PORTRAIT EMOTIONNEL #53 Corinne Versini

Libérer la parole émotionnelle en entreprise

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Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques pour contribuer à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.

Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Témoignage de Corinne Versini

Corinne Versini œuvre dans le secteur des biotechnologies, elle a fondé Genes’Ink, en 2010, spécialisée dans les nanotechnologies. Son objectif est alors de réduire les matières premières très polluantes des composants électroniques.

Aujourd’hui encore, contribuer à sauver le monde « en faisant sa part » demeure son moteur.

Pour Corinne, on peut assimiler le chef d’entreprise au médecin généraliste ou au chef d’orchestre en ce sens que le chef d’entreprise doit avoir les compétences du généraliste et les mettre en musique comme un chef d’orchestre.

Corinne a évoqué son combat contre le cancer du sein pour partager avec nous un des enseignements de cette expérience de la maladie. Elle a en effet beaucoup insisté sur le fait « qu’il est essentiel de garder le lien avec les personnes en arrêt maladie et que la responsabilité du lien relève des valides ».

Si Corinne relève fièrement de nombreux défis, le plus grand qu’elle ait mené a été d’élever ses trois enfants !

Pouvez-vous vous présenter ?

Corinne Versini : Je suis Corinne Versini, originaire d’Ajaccio, je suis corse, pas juste d’origine corse. Cela représente des racines et des valeurs qui comptent pour moi. J’ai beaucoup travaillé à l’international tout au long de ma vie et j’ai remarqué que je m’entends très bien avec les insulaires : japonais, taïwanais, nous avons un socle de valeurs communes : la fierté, l’honneur, le respect de la parole donnée.

Quand un Japonais s’engage avec vous, il s’engage, même quand il n’y a pas de contrat : on s’incline et cela suffit. Ce genre de choses est important pour moi. Il arrive qu’on ne puisse pas respecter un engagement, les vicissitudes de la vie font que parfois on est contraint mais ce n’est pas de notre fait, on ne lâche pas les gens comme ça.

J’ai élevé trois enfants, la chose la plus difficile au monde. Tout le reste à côté de cela ne semble pas très compliqué.

Pouvez-vous présenter Genes’Ink ?

Genes’Ink est une entreprise, très technique qui relève de la « deep tech » parce que nous fabriquons des matériaux critiques pour l’électronique. Nous sommes capables de fabriquer des matériaux à la fois plus performants et moins consommateurs de matières premières que les matériaux traditionnels. Aujourd’hui, nous n’avons pratiquement aucun concurrent sur le marché car c’est un marché émergent, ce qui représente une difficulté supplémentaire. Malgré le fait que nous sommes très innovants, notre petite taille et surtout le fait que nous sommes une monosource pour nos clients génère beaucoup de freins.

Nos clients idéaux seraient de grosses entreprises comme Samsung mais Samsung ne va pas nous acheter ses matières premières car Genes’Ink est trop petite. Depuis un an et demi, nous changeons de business model. Nous mettons en place des licences pour des fabricants de produits. Ces derniers peuvent se substituer à nous pour vendre à de grosses entreprises comme Samsung. Ce changement de business model est un peu long puisqu’’il a fallu repartir à zéro et qu’il s’agit de ventes longues. Si je suis optimiste, je vais dire que nous pouvons opérer ce changement en deux ans.

Comment est née l’entreprise Genes’Ink ?

Corinne Versini : J’ai travaillé dans deux grosses boîtes IBM et ST Microélectronique.

Je suis partie de chez IBM en disant « je ne suis pas d’accord avec la stratégie, avec la façon de la mettre en place, avec les actions… ». Je n’étais d’accord avec rien.

Après quelque mois chez ST Microélectronique, je rappelle un ami chez IBM et lui redis exactement la même chose. Quand il me fait remarquer : « tu m’as dit la même chose quand tu étais chez IBM » j’ai réalisé que le problème c’était moi, il fallait donc que je fasse quelque chose.

J’ai rencontré une coach pour faire un bilan de compétences à l’issue duquel elle a conclu : « c’est normal que vous ne soyez pas d’accord, vous avez davantage une mentalité de chef d’entreprise que de manager. Vous ne serez donc jamais d’accord avec la stratégie tant que ce ne sera pas la vôtre ».

Cela a pris trois ans. J’ai commencé par reprendre une formation à HEC de coaching et management du changement parce que j’aimais bien ces thématiques. J’ai suivi des modules supplémentaires sur la reprise d’entreprise.

Quand j’ai quitté ST, j’ai cherché une entreprise à reprendre mais comme aucune ne me convenait, j’ai décidé que j’allais créer ma propre entreprise. C’était beaucoup plus difficile mais finalement beaucoup plus intéressant.

Je voulais rester dans l’industrie que je connaissais bien et j’avais envie de démontrer que les industriels ne sont pas toujours des « bad boys », qu’ils peuvent être des gens qui font les choses bien, que l’écologie industrielle existe. Aujourd’hui, nous le démontrons tous les jours. Inutile de dire que cela fait dix ans qu’on me prend pour une folle, ce n’est pas très grave j’ai l’habitude !

Comment définissez-vous votre métier ?

Corinne Versini : Je définis mon métier par une comparaison. Je dis que je suis un généraliste : quand vous allez chez votre médecin généraliste, c’est lui qui pose le premier diagnostic et qui vous adresse aux spécialistes.

Cela signifie que le généraliste doit connaître à peu près toutes les maladies, c’est le métier le plus difficile.

Un cardiologue connaît dix maladies, il est le roi du pétrole, tout va bien ! ( Je caricature un peu) Un généraliste doit connaître toutes les maladies du cardiologue, de l’urologue, du phlébologue, de toutes les spécialités pour pouvoir adresser correctement les patients.

Un chef d’entreprise, c’est la même chose : il est à la fois le généraliste et le chef d’orchestre. Il doit avoir les compétences du généraliste et les mettre en musique comme un chef d’orchestre.

C’est un métier très difficile qui demande suffisamment d’ego pour se défendre mais surtout pas trop d’ego parce qu’il faut que vous embauchiez des gens meilleurs que vous.

Quand vous êtes chef d’entreprise, si vous n’embauchez pas des gens meilleurs que vous, vous allez à la catastrophe. Il me faut des gens meilleurs que moi dans chaque domaine.

Si c’est moi qui explique à mes collaborateurs comment ils doivent faire leur job, je n’ai pas besoin d’eux. Je veux que chaque collaborateur m’explique comment il va faire son job pour que cela cadre dans la stratégie que je définis.

Quel est le sens que vous donnez à votre job ?

Corinne Versini : Je veux changer le monde. Je ne connais pas de chef d’entreprise ou de partenaire qui ne fasse pas cela pour changer le monde. Je considère que je suis très écolo mais je déteste les écolos parce que quand ils parlent de décroissance, ce sont des raisonnements de bobos riches.

Quand vous allez dans d’autres pays moins développés, vous vous confrontez à des gens qui n’ont pas toujours de quoi manger, ils  n’ont quasiment rien et ils aimeraient bien avoir ce que nous avons. On ne peut pas leur dire « il ne faut pas faire comme nous parce que tu comprends tu vas consommer, tu vas polluer… ».

Il faut laisser à ces gens la possibilité d’avoir le niveau de vie que nous avons mais sans polluer.

Cela signifie qu’il faut changer la façon de faire et pour changer la façon de faire, il faut donc commencer par se pencher sur le sujet des matières premières pour les changer.

Nous avons trouvé une alternative à l’indium ce qui est déjà pas mal parce que l’indium, un sous-produit du cuivre, est extrait avec de l’acide sulfurique à chaud. Je vous laisse imaginer combien cela pollue.

Donc si on peut remplacer ces matières premières par des choses qui sortent d’un laboratoire ou qui sont faites avec des matériaux beaucoup moins polluants à l’extraction, nous aurons fait quelque chose. Même si nous n’en faisons pas beaucoup, chacun fait sa part comme le colibri.

On dit que la Chine pollue. Elle représente 31% des émissions de carbone. Il y a 500 millions de chinois qui sont très pauvres, qui, parfois, ne mangent même pas à leur faim. Du coup, quand on vient dire à Xi Jinping que la Chine pollue et qu’elle doit diminuer ses émissions carbones, il rétorque « Je dois d’abord faire manger tout le monde, après on discute ». Il a raison. Il faut alors changer de discours et lui dire : « ok la Chine pollue, mais peut-être peut-on l’aider à faire autrement ».

Le sens de mon job est de m’inscrire aussi dans cette dynamique pour agir sur la manière dont on produit et avoir un impact sur le monde. Cet impact sera petit, je ne vais pas tout faire, mais je fais ma part et tous les petits pas comptent !

Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?

Corinne Versini : Je travaille avec l’affect.

Passé un moment l’ambiance n’était pas bonne parce qu’il y avait des personnes toxiques, qui sont parties depuis. Les gens n’avaient plus envie de travailler et moi la première.

Quand je parle d’affect, j’entends cette notion de lien affectif entre nous. A tel point que dès qu’une collaboratrice annonce qu’elle est enceinte et elle nous l’annonce dès le premier mois , elle ne descend plus au laboratoire. Même si les produits que nous utilisons ne sont pas toxiques, c’est de la précaution. Je ne suis pas pour le principe de zéro risque mais nous appliquons ce genre de précaution : elle reste au bureau. Nous lui rappelons qu’elle a le droit à la fois de faire du télétravail et qu’elle a l’interdiction de descendre au laboratoire et que ce n’est pas négociable.

Il y a une réelle empathie au sein de l’équipe et il y a une vraie attention des uns envers les autres, chacun prend soin de son collègue. Mais cela veut dire aussi que, parfois, il y a de vraies disputes. Cela va avec. Alors, il faut calmer le jeu.

Mon humeur influe énormément. J’ai l’impression que c’est moi qui fais l’humeur de tout le monde.

Quand je suis de mauvaise humeur, tout le monde fait profil bas. Et je ne peux pas toujours être de bonne humeur ! Parfois je ne suis pas bien. Je ne ronchonne pas, mais je ne dis rien, je m’enferme dans mon bureau. À la suite d’opérations, il me reste des douleurs au bras telles que je ne peux quasiment plus bouger. Quand j’ai mal, je ne suis pas joyeuse par exemple.

Si je me sens fatiguée, je demande de l’aide : « Est-ce que vous pouvez m’aider sur ce truc-là ? Cela se passe comme ça.

Comment intégrez-vous les émotions de vos collaborateurs dans votre management ?

Corinne Versini : Le plus souvent, j’essaie d’en discuter en expliquant mon point de vue.

Généralement, la réaction des gens n’est pas motivée par une volonté de nuire. Ils réagissent souvent en fonction de leur propre vécu, de leur propre passé.

J’ai embauché un collaborateur qui avait galéré pendant 4-5 ans traversant deux faillites et une période de chômage. A un moment donné, un autre collaborateur me dit : « Tu comprends, il est toujours en train de se vanter ». Je lui ai fait remarquer : « Non, réfléchis, il a galéré 4 ans, il n’est pas en train de se vanter, il est juste en train de se rassurer.

Le fait de montrer un autre éclairage permet à la personne de se dire : « Oui, c’est vrai, finalement, je n’y avais pas pensé ». Il y a cette notion de se mettre à la place de l’autre, d’essayer de comprendre effectivement d’où il part, où il en est, quelle est sa situation.

Avec mes collaborateurs, je fonctionne à l’instinct : je vais dans le bureau, je m’assois à côté d’eux, je pose des questions. A ce moment-là, certaines choses peuvent attirer mon attention. C’est très facile à voir pour moi à travers la posture et plein de signes évidents. Je le vois tout de suite sur le visage : les traits du visage, les expressions. Je suis observatrice, je vois et je sens s’il y a quelque chose qui cloche ou pas.

Quand j’ai commencé à travailler, je savais quand des collègues n’allaient pas bien. Parfois, je disais aux autres, « Fous-lui la paix. Là, il n’est pas bien. Tu ne vois pas qu’il n’est pas bien ? Laisse-le tranquille. ».

Je me souviens d’un collègue assez arrogant, et donc, souvent, les gens n’étaient pas tendres avec lui. Un jour, j’ai pris sa défense : « Fous-lui la paix. Là, j’ai l’impression qu’il n’est pas bien. Fous-lui la paix. Tu verras ça la semaine prochaine. » Il est venu me voir en me disant : « Je te remercie. En fait, je ne suis pas bien parce que, ce matin, ma fille a été opérée d’une tumeur au cerveau ». Les bras m’en sont tombés, je vous garantis. Il a continué : « Je ne suis pas bien. Je ne vais pas être bien pendant un moment, donc, j’ai décidé de le dire. Mais je te remercie vraiment d’avoir pris ma défense ». Et ça, les autres ne l’avaient pas vu. C’est hallucinant !

Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions (ou vous avez craint d’être dépassée) ?

Corinne Versini : Quand j’ai été malade en 2021 d’un cancer du sein, le jour de mon anniversaire je suis venue au bureau alors que j’étais sous chimio. Et là, toute l’équipe m’a souhaité mon anniversaire.

Je pense qu’ils ont fait ça parce que j’étais vraiment en situation de faiblesse et parce qu’ils ne m’ont jamais vue comme quelqu’un de faible. Tous les collaborateurs avaient fait une superbe petite vidéo où chacun me souhaitait un bon anniversaire : « Bon anniversaire, Corinne ! Bon anniversaire, boss ! Bon anniversaire, patron ! » Et j’avais des cadeaux.

Une collaboratrice qui n’était pas là parce qu’elle était en congé maternité s’était même enregistrée, et leur avait demandé : « Filmez-la parce que je suis sûre que Corinne va pleurer ». J’étais en larmes, mais vraiment. C’était beaucoup, beaucoup d’émotions positives. Un débordement émotionnel. Je n’ai pas honte de pleurer.

Ce n’est pas que je gère les émotions, c’est que je me moque des émotions. Les émotions sont ce qui nous fait bouger. Le mot vient du latin «movere », ce qui nous fait bouger. Donc, si nous n’avons pas d’émotions, nous sommes des robots et nous ne bougeons pas. J’avoue que parfois, j’aimerais bien travailler avec des personnes autistes qui ressentent moins les émotions, ce serait plaisant. Je pense que je m’entendrais bien avec eux mais peut-être qu’eux auraient plus du mal à me supporter ! Nous ne sommes que des émotions.

J’ai aussi souvenir d’une expérience qui m’a beaucoup touchée. J’avais embauché une personne pour faire de la R&D chez moi que je considérais comme une amie, qui est une amie.

Elle a quitté l’entreprise au moment où j’ai appris que j’étais malade. J’ai considéré cela comme une trahison et je l’ai très mal vécu. Cela a été un enfer pour moi pendant 12-15 mois. Il a fallu que je passe tout le cycle de traitement pour arriver à réfléchir et à me dire que mon attitude était idiote. Elle avait eu raison de faire ce qu’elle avait à faire, c’était son chemin. En fait, c’est elle qui est revenue en me disant : « je suis partie pour aller là-bas, tu m’avais dit que c’était une erreur et tu avais raison » et elle m’a raconté les ennuis qu’elle avait. Je lui ai dit combien j’en étais vraiment désolée. Parce que je me suis rendu compte qu’elle était partie, non pas pour me quitter comme que je l’avais vécu, mais elle avait fait cela pour vivre sa vie, et c’était totalement illogique pour moi de lui en vouloir. Et en plus, elle en souffrait, c’était donc un double échec.

Quels conseils donneriez-vous à un manager, dont un collaborateur va revenir après un arrêt longue durée pour maladie ?

Corinne Versini : En fait, ce n’est pas quand on revient, c’est quand on n’est pas là qu’il faut s’inquiéter. Ce n’est pas parce qu’on est malade qu’on est mort. Il faut conserver le lien avec l’entreprise et ce lien social parce qu’on en a besoin. Ce n’est pas forcément qu’on a envie, et même si on n’en a pas envie, parfois, on en a besoin. On n’est pas mort. Gardez la place de la personne, ne la tuez pas avant qu’elle ne soit morte.

Je l’ai vécu. Quand j’étais chez ST, un des vice-présidents est tombé malade, il a eu un AVC ou quelque chose du genre, pas très grave. Tout le monde l’avait tué et il s’en était rendu compte. Je lui ai envoyé un mail avec l’article de Mark Twain dont la mort avait été annoncée prématurément*. Cela avait créé un lien avec cet homme que tout le monde détestait, qui détestait tout le monde, et moi, il m’adorait. Il n’arrêtait pas de me faire des blagues, de rigoler. Nous avions un lien particulier à cause de ça.

C’est à nous les valides de prendre des nouvelles de ceux qui sont malades.

Ceux qui sont malades n’ont pas à appeler parce qu’on ne sait pas dans quel état psychologique et émotionnel ils sont. Donc il n’y a aucune excuse quand on ne prend pas de leurs nouvelles, c’est mon avis.

 
* En 1897, une agence de presse avertit la terre entière : Mark Twain vient de mourir. Mais quand les journalistes accourent, l’écrivain en personne effectue une délicieuse mise au point : « L’annonce de ma mort est très exagérée. »

Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations qui vous impactent émotionnellement ?

Corinne Versini : Tous les jours quel que soit mon état, je pratique l’aquagym ou de l’aquabike, j’adore l’eau et la gym. Je ne peux plus m’en passer maintenant. 

Face à des émotions un peu fortes, d’abord, je verbalise, j’exprime avant que ça monte trop. Je dis les choses : « Là, ça ne va pas, là, ça me gêne, ça me choque ». Cela fait partie de l’expérience.

Toute jeune, je ne disais rien. Maintenant, je dis parce que je ne veux pas me créer d’ulcère, en plus. On se bonifie avec l’âge, mais je pense que certaines personnes, peut-être, me perçoivent à la fois mieux et pire. Ceux qui m’aimaient bien déjà avant, me trouvent de mieux en mieux. En revanche, ceux qui me détestaient vont me trouver de pire en pire. Parce que je prends de moins en moins de gants. Je n’ai plus de temps à perdre.

Je peux aussi faire un peu de respirations profondes pour me calmer et me dire, bon, prends l’hélicoptère. Regarde la situation d’un peu haut. Donc, si j’arrive à verbaliser et prendre de la hauteur, en général, cela ne déborde pas trop.

Après, quand vraiment cela déborde, ce qui arrive parfois, je me mets avec la personne face à face dans mon bureau et nous nous disons ce que nous avons à nous dire. Parfois on pleure un bon coup et après, c’est fini.

Je me suis vue dire à une collaboratrice avec laquelle je suis très proche : « Tu restes dans le bureau. On finit la discussion ». Cela étant, elle pleurait et moi aussi. On s’entend toujours très bien pour autant.

Parfois des choses totalement insignifiantes pour moi blessent les gens. Par exemple, nous avions un gâteau à partager et nous avons commencé à manger le gâteau, alors qu’une personne n’était pas là. Je l’ai vexée. J’ai reconnu : « C’est ma faute parce que c’est moi qui ai demandé à le partager. Je te présente mes excuses. Je ne pensais pas que ça te vexerait. ». Et du coup, l’incident passe. C’est bête. C’est aussi prendre sa part de responsabilité. Là, on se parle d’un gâteau, mais il ne faut pas craindre de dire qu’on est désolé, qu’on a commis une erreur ou une maladresse.

Je ne suis pas infaillible. Dans mon bureau j’ai une image de Wonder Woman. Ce n’est pas moi. Voilà. Il faut vraiment se souvenir que ce n’est pas moi.

Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?

Corinne Versini : Il y a trois choses qui font qu’on sera épanoui au travail.

Il y a bien sûr la partie pécuniaire, mais c’est un tiers.

Les deux autres tiers sont l’ambiance et l’intérêt au travail.

Je ne détermine pas les objectifs de l’équipe. Je définis la stratégie de l’entreprise et je demande à chacun dans l’équipe : « Qu’est-ce que tu vas prendre dans l’entreprise pour atteindre l’objectif commun ? ».

Tout le monde se moque de moi avec l’exemple de mon pilon de poulet. Chez moi, mon ex-beau-père adorait le blanc dans le poulet. C’est un morceau que je déteste, c’est sec, je ne supporte pas. Pendant des années, il m’a piqué ma cuisse, que j’adore, parce qu’il voulait me faire plaisir et qu’il considérait que tout le monde préférait le blanc !

Je leur dis surtout quand vous établissez vos objectifs, demandez à votre binôme ce qu’il préfère et dites ce que vous préférez. Vous vous rendrez compte que la plupart du temps, ce n’est pas la même chose. Nous sommes tous différents. Je fais exprès d’embaucher des gens qui n’ont pas les mêmes profils. Cela veut dire qu’il y en a qui vont aimer faire des tâches très répétitives et d’autres qui vont détester ça.

Que chacun prenne ce qu’il a envie de prendre. Chacun sera plus efficace.

En ce moment, je m’éclate au travail. Quelque part, la situation est très complexe et difficile, mais je m’éclate. S’il n’y avait rien qui bouge, je m’ennuierais !

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