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PORTRAIT ÉMOTIONNEL #26 Témoignage d’Aurélie d’Assignies

#ÉMOTIONS PARTAGÉES #26 Témoignage d'Aurélie d’Assignies

Témoignage d’Aurélie d’Assignies

Pour à la fois sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail mais aussi libérer la parole émotionnelle, Fullémo réalise un recueil de témoignages sincères et authentiques.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs et ainsi favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Aurélie d’Assignies dirige VeryFoody, société de conseil en innovation culinaire qu’elle a créée en 2016 et Délicieusement Votre, école de cuisine pour particuliers et professionnels créée en 2005.

Aurélie nous raconte comment sa passion du bon goût et de la gourmandise guident sa créativité pour développer ses innovations culinaires.

Merci Aurélie pour cet échange et votre franc parler !

1. Comment définissez-vous votre métier ?

Aurélie d’Assignies : Mon métier est de créer des produits pour l’industrie agroalimentaire dans le but de remettre du bon goût, de la culinarité et du clean label dans cette industrie. C’est d’être un chef cuisinier capable d’inventer des produits pour l’industrie agroalimentaire.

Mon métier est tourné vers la qualité mais surtout la gourmandise. Cette industrie emploie des ingénieurs agroalimentaires (j’ai également des ingénieurs dans mon équipe) qui se préoccupent de la sécurité sanitaire et de la texture des produits et oublient souvent de s’intéresser au goût. Mon métier est de redonner ses lettres de noblesse à la cuisine à travers l’industrie.

Manger devrait être un plaisir et non pas seulement une fonction nourricière et utilitaire.

Les ingénieurs oublient parfois l’aspect gustatif. J’en rappelle souvent l’importance, même au sein de mes équipes. Cela donne une idée de ce qui est proposé aux consommateurs. Quand je m’en suis aperçue, je donnais alors des cours de cuisine et j’ai été contactée pour travailler pour une start-up qui voulait remettre de la culinarité dans sa gamme. J’ai découvert que c’était un métier passionnant, très scientifique et je me suis surtout aperçue qu’il manquait un maillon dans la chaîne pour faire des produits appétents. J’ai donc décidé de créer Very Foody pour faire un pont entre l’industrie et les chefs.

2. Quel est le sens que vous donnez à votre Job ?

Aurélie d’Assignies : Le sens est de redonner de la culinarité et du clean label dans cette industrie qui est gigantesque car elle est omniprésente partout. D’autant plus que les nouvelles générations cuisinent encore moins que la nôtre. Le « ready to use », « ready to eat » sont devenus les enjeux de demain.

Je veux dire que même si vous achetez des choses car vous n’avez pas envie de les faire – ce que je trouve dommage mais cela n’engage que moi – au moins mangez des choses bonnes pour votre palais, votre santé, sans une multitude de texturants et de conservateurs et réfléchissez à ce que vous mangez.

Le sens que je donne est de redonner du bon goût, de la gourmandise et du clean label dans les étiquettes.

Nous sommes bicéphales chef et ingénieurs agro, c’est notre particularité que je revendique, notre marque de fabrique. Les industriels sont réceptifs à cette approche. Je réconcilie deux mondes qui ont du mal à communiquer : le chef et l’industriel.

3. Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?

Aurélie d’Assignies : Je me lève le matin par gourmandise. Ce qui m’intéresse c’est que ce soit bon. L’émotion du bon transparaît forcément dans une recette. Mes émotions ne sont que du plaisir. Je veux transposer dans mes recettes le plaisir que j’ai à manger.

Pour me mettre de mauvaise humeur, il faut me faire manger quelque chose de pas bon ! Donc mon but est de rendre les gens heureux en leur faisant manger quelque chose de bon. J’essaie aussi de donner du bon sens aux gens autour de l’alimentation.

Dans mon métier, ce qui m’agace c’est quand mes clients ne voient que la sécurité alimentaire des nouveaux produits. L’innovation, c’est chercher d’autres choses, donc il faut être ouvert.

Un client m’a dit un jour : “Vos innovations il faut qu’elles passent dans mon tableau Excel.” Et bien non, il n’a rien compris, il ne faut surtout pas que l’innovation passe dans un tableau Excel !

Dans le quotidien de l’équipe, j’essaie de manière intuitive de comprendre dans quel état sont les collaborateurs. Nous avons beaucoup de coups de bourre, nous devons gérer une part importante d’inconnu dans notre métier, ce qui peut empêcher de dormir. On nous demande d’inventer des choses et nous ne savons pas ce que nous allons trouver, ce qui crée de bons coups de stress.

J’essaie intuitivement de comprendre qui va bien, qui va moins bien, qui est sous pression, à qui je peux demander telle chose… En plus de la réunion du lundi matin, j’essaie de faire un point quotidien pour savoir où nous en sommes, ce qui va, ce qui ne va pas pour désamorcer les problèmes.

Nous sommes organisés pour gérer huit projets à la fois. Pour ne pas nous perdre, nous avons mis en place un tableau physique par projet autour duquel nous discutons. Le fait que tout le monde participe et que l’organisation soit définie ensemble change tout.

J’ai désormais un échelon entre le laboratoire et moi. Avant je gérais tout en direct, cette nouvelle organisation permet d’atténuer le stress et de prendre du recul. Cette personne a aussi une bonne intuition et nous discutons souvent sur les motivations et l’état d’esprit de chacun. Je ne suis plus tellement touchée par les gens. C’est grâce à cet intermédiaire qui me permet de prendre du recul.

Pour moi, il faut que ça aille « vite et bien » et cela ne laisse pas beaucoup de place à l’émotion. Nous sommes dans un métier de rendu scientifique, il faut avancer vite c’est le principe de l’innovation. J’ai une certaine énergie que je transmets. Quand ça bosse bien, je félicite les gens. Je suis sincère et ça se voit.

4. Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions (ou vous avez craint d’être dépassée) ?

Aurélie d’Assignies : Quand nous avons eu le retour d’un client, auquel le produit ne convenait pas au niveau de la créativité. L’équipe R&D du client, un peu mécontente que nous ayons fait leur travail, nous a affirmé que tout ce que nous avions fait “était déjà vu”, que nous n’avions rien inventé. Alors que ce n’était pas vrai. J’ai trouvé cela désagréable et c’était difficile pour moi émotionnellement, mais je suis restée polie.

Heureusement, nous sommes accompagnés par une coach sur le volet commercial. Celle-ci nous a rappelé que nous avions bien travaillé et que le client exagérait. Elle nous a recommandé de le laisser revenir vers vous.

Ils ne sont jamais revenus vers nous. Néanmoins, sans cette coach, cet incident aurait pu attaquer l’estime de l’équipe.

Elle nous aide à redescendre, à prendre de la hauteur. Les attaques ne sont pas toujours injustifiées. Je sens bien que si on m’attaque, il y a des choses à changer, à améliorer. La coach nous permet d’identifier plus vite ce qu’il y a à faire. Nous nous remettons beaucoup en question car nous sommes en construction. Nous sommes assez souples pour changer les choses rapidement. Si j’ai un retour négatif, systématiquement je regarde ce que je peux en tirer. Je cherche pourquoi cela s’est passé ainsi, où nous n’avons pas été bons, ce que nous pouvons améliorer.

Je suis toujours là pour les retours clients. Généralement nous présentons plusieurs versions : il y a trois versions et la première est souvent décevante. Nous nous sommes rendu compte qu’il ne fallait pas l’appeler V1 mais V0. Cela induit que cette version sert à mettre en place le projet, comme un brouillon. Ainsi, les clients comprennent mieux. C’est vraiment l’illustration de l’amélioration des retours clients.

C’était il y a deux ans. Depuis nous avons davantage d’arguments scientifiques, techniques, de répondant.

C’est un métier où on invente et on ne sait pas forcément ce qu’on invente. Ce n’est pas facile, il y a beaucoup de réflexion, de remise en question, “est-ce que je vais y arriver ?”, de doute “Si cela n’a pas été fait par quelqu’un d’autre avant, c’est peut-être parce que c’est impossible”…

Pour stimuler la créativité, nous avons des veilles permanentes, des bases de données, nous allons sur des salons…

Avant, face à des critiques, j’aurai eu une position “je suis désolée” et aujourd’hui je dis “Si ça ne vous va pas, si vous n’y croyez pas, on arrête”, cela désarçonne un peu l’interlocuteur qui finalement se dit qu’il continue à nous faire confiance.

5. Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations qui vous impactent émotionnellement ?

Aurélie d’Assignies : Je respire, j’essaie de ne pas prendre les choses personnellement, j’analyse avec un regard extérieur et je médite. Je filtre ce qui est justifié ou non.

La méditation est une évidence. Je médite au moins une fois par jour ce qui me permet d’être équilibrée. Je pratique une méditation très particulière, le Sahaja yoga, une méditation très spirituelle qui propose des techniques pour s’équilibrer en permanence. De ce fait, je ne suis plus du tout submergée par mes émotions. Je suis protégée dans tout ce que je fais, il n’y a plus grand chose qui m’agace. La méditation aide à trouver des solutions, à transformer l’énergie négative en énergie positive et à trouver une solution opérationnelle. C’est essentiel quand on a un métier de résultat comme le mien, on n’a pas le temps de monter en émotion.

Il me semble aussi important d’être un exemple. Je m’efforce d’être un exemple pour mon équipe.

Ce qui me met en colère, c’est quand quelqu’un de l’équipe me dit que c’est « impossible ». Nous sommes dans un métier où nous sommes dans l’impossible tout le temps, c’est cela qui est génial et passionnant : ouvrir des portes, changer les choses. Avant de dire que c’est impossible, essayons ! Je vais alors montrer que c’est possible grâce au travail collectif pour faire monter les collaborateurs dans la conscience de ce qu’ils sont.

Le fait d’avoir mis un échelon entre le laboratoire et moi me permet aussi de prendre du recul, de m’économiser énergétiquement.

6. Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?

Aurélie d’Assignies : L’épanouissement professionnel, ce n’est pas compliqué, pour moi c’est avoir une vie de famille sympa et une vie professionnelle sympa.

J’ai beaucoup culpabilisé en m’occupant de mes enfants et me disant “je ne fais jamais assez pour ma boîte, je ne fais pas assez pour mes enfants” alors que pourtant j’ai beaucoup fait pour mes enfants.

Ce dont j’ai envie pour mon épanouissement professionnel, c’est d’être aussi heureuse de faire mon job que d’être avec mes enfants. C’est aussi d’avoir un mari sympa et non pas me dire “je vais gagner 150 000 euros par mois, être au board d’une grande entreprise”. Pour moi, c’est une affaire d’équilibre.

Ce n’est pas important que les femmes soient au board des grandes entreprises, ce qui nous intéresse c’est d’avoir une vie professionnelle réussie ET une vie de famille réussie.

C’est vraiment savoir équilibrer les deux pans qui me permet d’atteindre l’épanouissement professionnel.

Le meilleur conseil m’a été donné par Constance Benqué du Groupe Lagardère : “Il faut être très bien entourée pour être cheffe d’entreprise, il faut soit avoir un mari sympa, soit une belle-mère cool, soit une super babysitter pour ne pas se sentir coupable.” C’est le meilleur conseil qui m’ait jamais été donné et je le donne à chaque fois.

Une entreprise se fait grâce à ce qu’insuffle son dirigeant, surtout dans les petites boîtes. C’est sympa quand on a un métier particulier comme le mien de pouvoir apporter une autre façon de voir la vie. Dans l’entreprise, il y a toujours des schémas un peu pénibles, il faut penser comme ceci ou comme cela. Je trouve sympa de mettre un peu de piquant, d’originalité, de fantaisie avec des profils différents dans l’entreprise pour que les collaborateurs se posent les bonnes questions et ouvrent leurs chakras.

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