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PORTRAIT ÉMOTIONNEL #21 Témoignage de Christophe Haag

ÉMOTIONS PARTAGÉES Témoignage de Christophe Haag

Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.

Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.

Christophe Haag est auteur, professeur, conférencier et chercheur en psychologie sociale et plus particulièrement sur les émotions.

En tant que membre de l’Advisory Board de Fullémo, Christophe s’est prêté au jeu des questions 100% émotionnelles !

Christophe, passionné par l’écriture, décrit la place des émotions dans cette activité : « j’écris de manière très intuitive, l’intuition est un moteur et l’essence de ce moteur c’est l’émotion ».

Vous découvrirez aussi sa définition de l’épanouissement professionnel : « c’est faire quelque chose qui résonne avec qui je suis ».

Merci Christophe pour ce plaidoyer pour plus de simplicité !

1. Comment définis-tu ton métier ?

Christophe Haag : J’ai plusieurs métiers : je suis pédagogue, professeur, chercheur. Je crois que la pédagogie a différents aspects : en classe avec des étudiants ou en visio, les écrits, les livres, les échanges avec les personnes dans des forums, chats, les créations à visée pédagogique, vidéo, podcast… La pédagogie se passe aussi beaucoup en dehors des salles de cours classiques.

C’est aussi un métier où j’écoute car je rencontre beaucoup de monde d’univers différents. Dans ma démarche, l’idée est de me nourrir de tout cela. Si je ne suis pas aussi un écouteur, cela ne fonctionne pas. Je ne délivre pas juste un propos, j’emmagasine un maximum de choses, j’essaie de prendre le pouls de phénomènes ici et là, de comprendre un peu plus la nature humaine.

Je crois que je suis un explorateur de cet univers infini des émotions et pour explorer il faut écouter, ouvrir grand les yeux et les oreilles. Ensuite, la pédagogie permet de transmettre tout ce que j’ai découvert dans mon exploration.

Je suis une éponge qui s’imbibe de plein d’informations et en « m’essorant » je retranscris les choses après avoir filtré, analysé. Je passe par l’écrit et donc les livres. J’essaie de faire ce pont entre ce que j’observe et ce que les gens peuvent retenir en termes de compréhension et d’outils au quotidien, tout en veillant à rester dans quelque chose de récréatif. Je pense qu’il est important de traiter des choses en apparence sérieuses de manière non sérieuse par le jeu. L’enjeu ne tue pas le jeu. Je crois qu’il faut vraiment continuer à s’amuser. Si tu ne t’amuses plus tu perds tout simplement en efficience.

2. Quel est le sens que tu donnes à ton Job ?

Christophe Haag : J’aime mon métier car c’est un métier qui produit de la surprise. Je crois que s’il n’y a pas de surprise dans la vie, il n’y a pas de vie. J’essaie avant tout de me surprendre. J’ai un métier où je me donne la chance de me surprendre. Si j’arrive à me surprendre, j’arrive aussi à surprendre le lecteur.

Que je sois professeur, écrivain, chercheur, je suis toujours au contact des autres que ce soit l’apprenant, le lecteur… Mon métier me permet d’être vivant et de me renouveler systématiquement. A chaque fois, j’essaie d’aller enquêter sur des thématiques différentes, même si tout rentre sous le grand chapeau du monde des émotions et de la psychologie humaine.

Mon dernier livre est sur la chance, j’en ai écrit un sur la voix… je varie les plaisirs et c’est chouette. Il n’y a aucune monotonie dans mon métier. Je suis intimement convaincu que ce métier-là peut être aidant pour les autres.

Nous faisons plein d’études sur les rats de laboratoire que sont les humains. Je considère que la moindre des choses est de rendre aux rats de laboratoire nos résultats de recherche. Ces résultats peuvent les aider à modifier des schémas mentaux, à faire évoluer des comportements pour prendre de meilleures décisions, mieux gérer leur stress, améliorer la qualité de la relation sociale avec autrui…

L’utilité de mon métier ressort particulièrement par les temps qui courent où tout le monde est un peu bousculé émotionnellement par les crises socio-économiques, la guerre en Ukraine, le Covid. Le premier réflexe devrait être de s’outiller un peu plus en termes de développement de soi pour identifier ce qu’on peut faire afin de mieux s’adapter à ces situations-là. J’essaie de donner quelques clés modestement à travers mes travaux.

Donc le sens est là, il y a un côté où je peux à ma manière et à mon niveau aider un peu les gens à mieux s’adapter dans un monde de plus en plus violent, des zones d’incertitude de plus en plus grandes, des timings de plus en plus serrés.

Comment arrive-t-on à être équilibriste au milieu de tout ça ?

Le sens de mon métier est là : aider les gens à pouvoir trouver leur équilibre et pouvoir bondir d’un nénuphar à l’autre.

3. Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?

Christophe Haag : L’impact de mes émotions est très fort. Écrire est ma passion première et quand j’écris un livre il y a la structure, la première idée de départ mais quand je commence à écrire je suis porté par l’émotion. Il y a des choses dans ma vie qui m’ont marqué, qui ont laissé une trace qui font qu’alors que j’écris quelque chose sur un thème bien précis, un souvenir va remonter à la conscience, et ce souvenir est souvent accompagné d’émotions. Par association d’idées je me dis que je pourrais en parler. Chaque souvenir qui fait surface est accompagné d’une émotion forte.

L’émotion sait quand elle doit toquer à ma porte pour que je l’écoute et que je puisse exploiter ce qu’elle apporte avec elle. Dans mon métier, je ne fais que ça : j’ai les écoutilles ouvertes et chaque fois que j’ai des souvenirs qui font surface, ce n’est pas par hasard, cela peut s’intégrer à ce moment-là pour soutenir une idée ou en développer une autre. Cela vient toujours dans le bon tempo. J’écris de manière très intuitive, l’intuition est un moteur et l’essence de ce moteur c’est l’émotion. Il faut que j’écoute ces émotions pour avancer dans mon écriture et le cheminement de ma réflexion. Donc je suis très à l’écoute de mes émotions. C’est ce qui fait que le processus d’écriture est fluide. En étant réceptif à mon émotion, mon écriture devient plaisante, agréable, et le matin je n’ai qu’une envie, c’est de commencer à écrire. Parce que tout cela est drivé par l’émotion.

4. Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es senti dépassé par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassé) ?

Christophe Haag : J’ai beaucoup d’émotions qui me traversent, je ne suis pas un moine bouddhiste, mais de par mon éducation j’ai pris l’habitude de les accueillir, je me suis donc rarement senti dépassé par mes émotions dans le cadre professionnel.

Lors de recueil de témoignages forts, il y a des choses qui me renvoient à mon contexte personnel, à mes enfants notamment. Il y a alors une forme d’identification, de rapprochement émotionnel et je peux avoir une angoisse forte. Mais cela dépasse le cadre professionnel. Les émotions qui m’ont le plus bouleversé ont un impact sur des questionnements de vie.

Quand par exemple Nando Parrado, qui a vécu deux mois coincé en pleine Cordillère des Andes après un crash d’avion, et a dû manger ses copains pour survivre, me parle de sa famille j’ai un rapprochement qui se fait directement et là je suis envahi de tout un tas d’émotions qui me fait dire « Profite des gens que tu aimes, on a tous un CDD de vie sur cette terre ».

Ces émotions ont un impact sur des grands questionnements, quel sens je donne à ma vie ? Quelle est la philosophie de ma vie ?

5. Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?

Christophe Haag : Certaines techniques marchent bien quand par exemple quelqu’un me raconte quelque chose de très fort, émotionnellement je suis bouleversé mais je vais éviter de m’identifier à quelqu’un que je connais et plutôt me mettre dans la peau de quelqu’un qui aurait une certaine distance.

Par exemple, en étant témoin d’un accident, au lieu de m’identifier à la victime, je vais me concentrer pour me mettre dans la peau du pompier qui s’occupe de la victime. Il a un protocole précis, des étapes structurées, ce qui peut m’aider à me réguler.

Quand j’ai de la colère face à une injustice forte, je la reconnais mais si elle est trop forte, trop engageante, trop polluante, je fais un petit tour dehors dans la nature ce qui fait baisser la tension artérielle, l’intensité colérique. La nature est un anxiolytique naturel.

J’ai aussi un chat avec qui je joue de temps en temps. Quand quelque chose me préoccupe, jouer cinq minutes avec mon chat va réduire le stress que je peux ressentir (tout cela grâce à la sécrétion d’ocytocine, baromètre chimique du bien-être chez les mammifères).

Mettre un mot sur ce que je ressens et identifier les bénéfices et inconvénients à ressentir cela est aussi un bon régulateur émotionnel.

Je relativise aussi beaucoup les choses. Ayant travaillé beaucoup avec des personnes qui étaient dans des situations très critiques, qui ont vu la mort en face, je me dis qu’il faut relativiser. Mon problème comparé au leur est tout petit. Je pense souvent au fait que la probabilité de la vie humaine était minime et que rien que le fait d’être un être vivant est une chance inouïe, que je suis hyper chanceux. Ce simple constat là. : je suis le grand gagnant de la vie. J’ai une durée de vie finie alors autant en profiter. Cela me permet de prendre de la hauteur.

A titre personnel, j’aime beaucoup les « grattages » ! On me gratte le dos, la tête et je me zenifie instantanément

La marche est aussi un bon moyen de retrouver mon calme.

Sinon quand il y a quelque chose qui vient me perturber, j’ai une règle assez simple : en fonction du sujet, je laisse passer une nuit ou deux et je ne réagis pas. Je sais que je dois attendre pour constater l’impact sur ma façon de voir les choses.

6. Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?

Christophe Haag : Je crois que déjà c’est ne pas faire son activité avec un nœud au ventre. L’épanouissement professionnel c’est faire quelque chose qui résonne avec qui je suis. Quand mes valeurs, mes intentions premières sont respectées et que je suis en résonance avec cela. Le symptôme de l’épanouissement professionnel c’est d’être épanoui le dimanche soir sans avoir le cafard du lundi matin.

Pour être pleinement épanoui, j’ai besoin d’être entouré de personnes positives.  Sans cela, il manque quelque chose dans l’équation. Je connais des personnes qui travaillent en solitaire et ne voient personne : comme tout souffle, cela s’essouffle. A un moment, elles perdent un peu pied. Des études montrent que lorsqu’on est déconnecté du contact humain pendant dix heures, les zones qui s’activent dans le cerveau sont les mêmes que lorsqu’on est assoiffé ou affamé. Cela montre à quel point le contact des autres est vital.

L’épanouissement professionnel, c’est être en adéquation avec soi-même. L’ancien président de Lafarge Bertrand Collomb disait aux étudiants : « Ne soyez pas quelqu’un d’autre en entreprise, restez aligné dans l’unité de votre personnalité, restez qui vous êtes ». L’épanouissement professionnel est le résultat d’une cohérence parfaite avec qui je suis.

J’ai un truc qui me fait me lever le matin c’est de parvenir à faire comprendre que plus c’est compliqué, moins il faut réfléchir. Je suis intimement convaincu que les grandes vérités sur le genre humain sont aussi les plus simples. On complexifie beaucoup trop, on cherche midi à quatorze heure dans cette société de l’ultra complexité. A un moment, il faut être simple.

Stephen Gould, un paléontologue que j’aime beaucoup disait « La vie préfère la simplicité à la complexité ». L’émotion nous renvoie des choses très simples. La vie est simple, c’est juste nous qui nous rendons la vie difficile.

Mon objectif est de faire prendre conscience aux gens que la vie n’est pas si compliquée si tu la regardes droit dans les yeux.

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