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Pour à la fois sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail mais aussi libérer la parole émotionnelle, Fullémo réalise un recueil de témoignages sincères et authentiques.
Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.
Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs et ainsi favoriser leur épanouissement professionnel.
Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici
Découvrez dans ce témoignage Bénédicte Curan qui a fondé en 2011 Recettes et Cabas pour proposer des paniers à cuisiner.
Dans cet échange, Bénédicte explique comment, instinctivement, à travers l’écoute et l’intérêt qu’elle porte aux idées de ses collaborateurs, elle stimule leur créativité.
Pour Bénédicte, il est important de constater concrètement ce qu’elle apporte à ses clients, à savoir, alléger leur charge mentale et les régaler !
Merci Bénédicte pour cet échange !
1. Comment définissez-vous votre métier ?
Bénédicte Curan : Mon métier est multifonctions. J’ai une grosse part d’opérationnel sur de nombreux sujets : la gestion courante de l’entreprise, le marketing, l’informatique puisque j’ai un site e-commerce, les achats, l’offre, les produits en tant que tels et bien sûr de la stratégie et de la réflexion. Je n’ai pas de semaine type, de journée type, je travaille avec des to do list.
En un mot c’est la variété des rôles et la polyvalence que j’aime et qui me correspondent bien. Je ne me verrai pas cantonnée dans une seule fonction.
2. Quel est le sens que vous donnez à votre Job ?
Bénédicte Curan : Le sens pour moi a toujours été d’apporter un vrai service à mes clients, et ce n’est pas bateau quand je dis cela. Nous proposons des paniers à cuisiner pour des particuliers et le principe même est de les soulager dans leur quotidien. Ce sont majoritairement des actifs. Ce n’est pas du superflu, du gadget. Cette offre-là est une vraie décharge mentale.
Les gens ont du mal à faire le premier pas même si ce n’est pas une grosse dépense. C’est une manière de faire ses courses différemment et c’est un vrai changement de comportement pour les personnes qui remettent en question leurs habitudes. Nous ne fonctionnons pas sur abonnement mais à la semaine, sans engagement. Et quand les personnes découvrent le service, j’entends souvent la phrase « Vous m’avez changé la vie ». Je l’ai entendue des dizaines et des dizaines de fois, ces témoignages clients sont forts. C’est cela le sens, ce qui me motive et m’anime : permettre une décharge mentale sur une activité incontournable du quotidien. Nous permettons d’éviter les courses mais au-delà et surtout, le souci permanent « mais que vais-je pouvoir cuisiner ce soir ? ». Cela représente une charge mentale énorme qui peut revenir plusieurs fois dans la journée. Avec notre offre, cette charge disparaît : la personne sait ce qu’elle va préparer, elle dispose de tous les ingrédients et de la fiche recette et en trente minutes, tout sera prêt. De plus, les clients ne sont pas bloqués dans un système, ils peuvent encore aller au marché le week-end.
3. Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?
Bénédicte Curan : J’ai tendance à prendre beaucoup sur moi, cela a toujours été ainsi : je ne laisse pas tellement paraître mes émotions. Je ne me suis pratiquement jamais mise en colère dans le cadre du travail. Si cela arrive, ce n’est pas explosif et c’est suffisamment rare pour marquer les personnes.
Si je prends sur moi, cela ne veut pas dire que je n’ai pas d’émotions : j’ai des moments de stress, de lassitude, de découragement comme tout le monde et tout chef d’entreprise. Ce qui me fait énormément de bien c’est de pratiquer du sport entre midi et deux, j’en ai besoin, c’est ma soupape nécessaire tous les deux-trois jours pour relâcher.
Je considère que les émotions positives de mes collaborateurs dans l’entreprise sont totalement libres, il n’y a pas de tabou là-dessus et s’ils ont envie de rire, c’est bienvenu. J’avoue ne pas avoir trop eu à vivre de réactions négatives, de colère. C’est sûrement que j’embauche des personnes à mon image.
Cependant, il y a eu des personnes qui rencontraient des difficultés personnelles et avoir à gérer cet état a été très difficile à vivre pour moi. Je ne suis pas « psy » et ce n’est pas le rôle de l’entreprise de solutionner ces problèmes-là, je me suis sentie assez démunie mais j’ai essayé d’être à l’écoute tout en cherchant à prendre du recul pour identifier si l’origine du mal-être pouvait être liée au travail ou pas, et d’objectiver tout cela au mieux avec la personne.
En parler avec le reste de l’équipe et dire que j’avais conscience du problème.
Chez mes clients, j’aime créer de la surprise au-delà du gustatif et du plaisir. La création est infinie, nous réfléchissons à toutes les petites surprises que l’on peut faire, le design sur le site, l’effet Waouh qu’ils vont avoir en ouvrant leur colis.
Je n’ai pas d’outil particulier pour stimuler la créativité de mes équipes, c’est juste le fait de travailler en espace ouvert et de laisser libre court aux idées, nous ne sommes pas obligés de nous réunir pour lancer une idée. L’émotion que je sollicite inconsciemment c’est l’intérêt, ce qui permet à mes collaborateurs d’être force de proposition. J’ai une approche très participative, je demande beaucoup l’avis de mes collaborateurs. Il y a bien entendu des points sur lesquels je tranche, mais c’est rare que je prenne des décisions seule, c’est souvent collégial. L’intérêt, l’écoute, sont des aspects que je stimule au quotidien de manière totalement intuitive pour faire vivre la créativité au quotidien. Les collaborateurs se sentent autorisés à faire des propositions car ils savent qu’elles sont accueillies.
Je suis aussi à l’écoute de nos clients : il n’y a pas un message client (mail, chat, réseaux sociaux…) qui ne soit pas traité avec une réponse personnalisée et complète. Si une idée est suggérée, et à laquelle nous n’avons pas pensé, nous la mettons de côté pour y répondre éventuellement plus tard. C’est comme cela que nous évoluons et que nous nous améliorons.
4. Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions (ou vous avez craint d’être dépassée) ?
Bénédicte Curan : Juste après l’annonce du premier confinement, nos ventes ont explosé puisque les gens se sont retrouvés bloqués chez eux du jour au lendemain. On a tous un peu oublié, mais au début du confinement, il y a eu une peur collective : on avait peur de ne pas pouvoir se nourrir. Les besoins primaires sont devenus plus importants que tout. Les gens ont sauté sur notre site et se sont mis à commander : nous avons plus que doublé nos commandes d’une semaine à l’autre, ce qui est énorme. Nous avons déjà un gros volume de commandes à gérer en peu de temps puisque les envois sont réalisés en début de semaine. Et là, il fallait gérer plus du double de commandes avec des livraisons à domicile et non plus dans les points relais habituels (qui permettent de mutualiser les livraisons) qui étaient fermés.
Nous avons assuré, mais à un moment j’ai été dépassée, un moment où j’étais seule avec moi-même.
Le surcroît de travail était géré mais j’ai eu un temps de questionnement « est-ce bien raisonnable ? ». Tout le monde fermait, et nous étions là à continuer à vivre normalement, à s’exposer les uns avec les autres. J’ai eu une semaine de doute où je me suis sentie un peu dépassée. J’ai échangé avec différents partenaires de confiance pour avoir des conseils et être rassurée sur le fait que nous pouvions et que nous devions même poursuivre notre activité, car nous avions un rôle essentiel à jouer dans cette situation de crise.
La première réaction a été la panique face au volume, puis il y a eu la peur d’un point de vue sanitaire « Est-ce qu’on fait bien de continuer ? ».
Nous en avons parlé avec les collaborateurs qui ont tous répondu présents sans se poser de question. C’était une espèce de force qui me poussait.
L’année 2020 a été une belle année avec plus de 40% de croissance. Cela a impliqué des investissements, je me suis entourée d’un certain nombre de prestataires dans des domaines que je n’avais pas avant ce qui a été une source de dépenses d’investissements supplémentaires. En 2021, nous n’avons pas fait le même CA, et il a fallu revenir en arrière. Je me suis dit que j’avais commis des erreurs, ce ralentissement m’a inquiétée et dans ces cas-là j’aime me faire aider par des experts extérieurs. Il y a eu une petite phase de découragement mais très vite j’ai remis tout à plat avec mes collaborateurs et nous en avons profité pour mener une réflexion sur notre offre, notre site, un gros travail qui fait que nous redémarrons sur une nouvelle base. La vie d’une entreprise est faite de hauts et de bas qui impliquent souvent des remises en question qui sont saines. Le risque lorsque tout roule c’est de ronronner… le réveil peut être violent.
5. Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations qui vous impactent émotionnellement ?
Bénédicte Curan : Tout d’abord le sport, j’ai différentes pratiques : il y a le côté défoulement, mais aussi le côté détente avec le yoga.
Ensuite le partage, le fait d’en parler à mon entourage proche et avec mes collaborateurs. Ma famille, mes amis jouent un rôle essentiel dans mon équilibre. J’ai appris à décrocher, faire une vraie séparation entre les journées de travail et le temps personnel afin de ne pas focaliser toute mon énergie sur mon entreprise. Bien sûr il y a des périodes où c’est plus difficile mais passé 50 ans on a davantage de recul pour relativiser.
Quand j’ai des creux, j’aime faire appel à une aide extérieure. En général, les choses se font assez naturellement au gré de rencontres. Je ne cache pas mes difficultés, je suis transparente sur ce que je traverse et souvent mes interlocuteurs vont me recommander un expert adapté.
J’affiche ma part de vulnérabilité, c’est bien de dire quand tout va bien et aussi quand il y a des difficultés, je suis assez transparente, je trouve que j’ai tout à y gagner car souvent il y a des mains qui se tendent. Cela m’a toujours été très bénéfique.
6. Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?
Bénédicte Curan : J’ai pris conscience que quand on fait un métier qu’on aime on n’a pas l’impression d’aller travailler. C’est ce message-là que j’ai envie d’inculquer à mes enfants. Le plus important est de s’orienter vers un univers qu’on aime. Il y a tellement de personnes qui s’ennuient dans leur travail alors qu’elles y passent tellement de temps, c’est un cauchemar.
Mon univers, c’est l’univers culinaire. J’ai toujours aimé et vécu dedans. Toute jeune, comme mes parents et grands-parents étaient pâtissiers, j’ai beaucoup travaillé avec eux et j’aimais cela.
A vingt-cinq ans, je voulais monter un restaurant de déjeuner pour une clientèle féminine mais cela ne s’est jamais fait. Cette idée est restée dans un coin de ma tête et puis est ressortie plus tard sous une autre forme avec Recette et Cabas.
J’ai travaillé pendant une quinzaine d’années dans un tout autre univers : un cabinet d’études de marchés pour des grands comptes. J’aimais ce que je faisais mais à un moment, non : je me décarcassais pour des clients, travaillais parfois tard le soir, je rendais mon rapport, puis n’entendais plus parler d’eux, je ne savais pas si cela leur avait vraiment apporté quelque chose, c’était creux. Cela ne me nourrissait plus, je n’étais plus épanouie par ce que je faisais.
Aujourd’hui, savoir que je soulage les gens dans leur quotidien, que je les régale, que je leur apporte du plaisir avec des bons produits et des bonnes recettes sont des éléments clés de mon épanouissement professionnel.