Avec la série Portrait Émotionnel, Fullémo donne la parole à des femmes et des hommes qui incarnent, à leur manière, l’intelligence émotionnelle au travail.
À travers ces témoignages sincères et inspirants, nous cherchons à sensibiliser au rôle des émotions dans la vie professionnelle et à libérer une parole encore trop souvent tue en entreprise.
Chaque portrait est structuré autour de six questions identiques, et retranscrit avec soin pour préserver l’authenticité et la profondeur des échanges.
Notre intention : inspirer, transmettre des clés, et favoriser l’épanouissement professionnel en rendant visibles des récits vécus.
Vous allez découvrir le portrait émotionnel de Thierry Gardon.
Thierry Gardon était président honoraire du Tribunal de Commerce de Lyon au moment de notre échange.
Il est aujourd’hui Senior Advisor chez Simon Associés, consultant en accompagnement stratégique, et continue de s’impliquer activement dans la vie économique locale.
Il a été remplacé à la tête du tribunal par Bruno Da Silva, officiellement installé le 31 janvier 2024.
- Portrait émotionnel de Thierry Gardon
- Qui est-il ?
- Comment définis-tu ton métier ?
- Quel est le sens que tu donnes à ton travail ?
- Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?
- Une situation où tu t’es senti dépassé par tes émotions
- Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans l’inconfort émotionnel ?
- Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?
- Ce que nous retenons de ce Portrait Émotionnel
Portrait émotionnel de Thierry Gardon
Qui est-il ?
Thierry Gardon a dirigé des entreprises avant de s’engager pendant plus de dix ans comme juge consulaire.
De 2020 à 2024, il a exercé la fonction de président du Tribunal de Commerce de Lyon, une mission non rémunérée portée par un fort sens de l’engagement.
Dans ce portrait émotionnel, il nous partage sa vision sensible, humaine et lucide de la justice commerciale.
Comment définis-tu ton métier ?
C’est un métier d’écoute, avant tout.
Écouter les chefs d’entreprise, les confrères, les partenaires, avec attention, empathie, sans jugement.
Mais aussi un métier de compétence.
Car ceux qui viennent à nous attendent plus qu’un regard bienveillant.
Ils cherchent du soutien, des réponses claires, des perspectives solides.
Être compétent, c’est se former sans cesse, remettre ses connaissances à jour, s’ouvrir à d’autres lectures, d’autres points de vue.
L’écoute et la compétence forment le socle de mon engagement.
Quel est le sens que tu donnes à ton travail ?
Le sens a toujours été une boussole dans mon parcours.
Mais dans cette mission judiciaire, il est devenu central, presque sacré.
Quand on n’est pas guidé par la rentabilité ou les enjeux financiers, on peut mettre l’humain au premier plan.
Servir l’intérêt général, soutenir l’économie locale, être un appui dans les moments difficiles : c’est cela, le sens.
Je crois profondément à la valeur du collectif.
À notre devoir, en tant que citoyens, d’y contribuer.
Dans ce rôle, je peux consacrer autant de temps à un dirigeant seul qu’à une grande entreprise.
Car la détresse d’un entrepreneur isolé appelle une présence plus humaine.
C’est cette responsabilité sociale, profonde et sincère, qui donne sens à ce que je fais.
Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?
Je ne me laisse pas guider par mes émotions, mais elles m’accompagnent toujours.
Ce sont mes valeurs qui me servent de boussole.
Je n’ai jamais cherché à cacher mes émotions.
Même si ma position suppose parfois distance et retenue, j’assume cette dimension sensible.
Une voix qui tremble, une émotion qui m’échappe… cela signifie que je suis encore touché.
Et tant mieux.
Car dans les récits que je reçois, il y a des drames humains, des vies bouleversées, des efforts brisés.
Je ne peux pas faire semblant de ne rien ressentir.
Mais je me structure, je me recentre.
Ma formation scientifique m’aide à remettre chaque chose à sa place, pour ne pas me laisser submerger.
Je cherche à transformer ces émotions en actions concrètes, en décisions justes, en accompagnements utiles.
Une situation où tu t’es senti dépassé par tes émotions
Je me laisse rarement déborder dans l’action.
Les émotions fortes arrivent après, quand tout est terminé.
C’est souvent la réussite, plus que l’échec, qui m’émeut.
Je me souviens d’un chef d’entreprise de 58 ans.
On lui proposait un plan de redressement très contraignant.
J’ai suggéré, d’un ton direct, qu’il envisage de redevenir salarié.
Il m’a simplement répondu : “Vous croyez que c’est facile, à mon âge, de retrouver un travail ?”
Là, tout a changé.
Je me suis rendu compte que j’avais oublié l’humain derrière la stratégie.
Cette prise de conscience a été marquante.
J’ai revu ma position, et nous avons trouvé une autre voie.
Ce jour-là, j’ai senti que mes émotions pouvaient m’aider à aller plus loin.
Elles m’ont reconnecté à ce qui compte vraiment.
Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans l’inconfort émotionnel ?
Je crois au pouvoir du silence.
Dans les situations de tension ou d’émotion forte, je laisse le temps s’installer.
Un regard, un mot, une respiration peuvent suffire à apaiser.
Je ne suis pas à l’aise quand quelqu’un s’effondre en sanglots.
Alors je propose un temps d’arrêt, un verre d’eau, un moment à soi.
Je ne cherche pas à combler à tout prix.
Je pense que l’émotion, si elle est bien accueillie, devient un lien.
C’est elle qui fait société, qui rend les relations humaines profondes.
Sans émotion, il n’y a pas de justice vivante, pas de communauté durable.
Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?
L’épanouissement professionnel, c’est donner du sens à ce que l’on fait.
Ce n’est pas une question de statut ou de niveau de vie.
C’est une affaire de cohérence, de valeurs vécues, de règles partagées.
Je crois que chacun ne peut s’épanouir que dans une société qui respecte ses fondations démocratiques.
Nous devons construire un cadre juste, égalitaire, et offrir à chacun la possibilité d’être utile.
S’épanouir, c’est refuser de jouer un rôle ou de faire semblant.
C’est lorsqu’on reconnaît ta justesse et ta capacité à faire grandir les autres que naît le véritable accomplissement.
Dans mon équipe, je veille à créer de la confiance.
Quand il y a du plaisir à travailler ensemble, la performance suit naturellement.
Je crois aussi à la valeur du pardon : accepter l’erreur, reconnaître l’imperfection, encourager le dialogue.
L’autorité ne se décrète pas. Elle se construit dans l’exemplarité et le respect.
Et parfois, une seule chose suffit : que quelqu’un vienne vous consulter, juste pour avoir votre avis.
C’est là que se joue le véritable épanouissement : dans cette reconnaissance silencieuse, mais sincère.
Ce que nous retenons de ce Portrait Émotionnel
Le portrait émotionnel de Thierry Gardon révèle la puissance d’un engagement humble, structuré et profondément humain.
À travers son parcours de président du Tribunal de Commerce, il incarne une justice du lien, fondée sur la confiance, l’écoute et la compétence.
Une parole rare et inspirante, qui montre que les émotions, bien apprivoisées, sont un levier puissant pour agir avec justesse.
