Place au Portrait Émotionnel de Sophie Leonforte, directrice de l’hôpital associatif Saint Joseph Saint Luc au cœur de Lyon.
Avec la série Portrait Émotionnel, Fullémo donne la parole à des femmes et des hommes qui incarnent, à leur manière, l’intelligence émotionnelle au travail.
À travers ces témoignages sincères et inspirants, nous cherchons à sensibiliser au rôle des émotions dans la vie professionnelle et à libérer une parole encore trop souvent tue en entreprise.
Chaque portrait est structuré autour de six questions identiques, et retranscrit avec soin pour préserver l’authenticité et la profondeur des échanges.
Notre intention : inspirer, transmettre des clés, et favoriser l’épanouissement professionnel en rendant visibles des récits vécus.
- Portrait Émotionnel de Sophie Leonforte
- Comment définissez-vous votre métier ?
- Quel est le sens que vous donnez à votre travail ?
- Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?
- Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions
- Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations émotionnellement chargées ?
- Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?
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Portrait Émotionnel de Sophie Leonforte
Comment définissez-vous votre métier ?
Je compare souvent mon rôle à celui d’un chef d’orchestre. Je travaille dans un univers où cohabitent une multitude de cultures professionnelles : soignants, médecins, fonctions administratives, techniques… Plus de 1 200 collaborateurs à rassembler, à faire dialoguer, autour d’une mission commune : accueillir et soigner tous les publics avec équité.
Diriger un hôpital associatif, c’est aussi conjuguer valeurs de service public, contraintes économiques et responsabilités humaines.
Nous travaillons avec de l’argent public. Nous avons une exigence d’efficience permanente… mais sans jamais perdre de vue le sens.
Quel est le sens que vous donnez à votre travail ?
Ce qui me porte profondément, c’est l’utilité sociale.
Je n’ai pas choisi ce métier par hasard : après un parcours dans la haute fonction publique, j’ai ressenti le besoin de m’engager là où je pouvais agir concrètement, au plus près du terrain, des équipes, et des patients.
Mon moteur, c’est de créer de la synergie entre des métiers très différents, et faire en sorte qu’ils convergent autour de l’humain.
J’ai à cœur de maintenir un lien fort entre l’hôpital et la ville, de faire vivre une communauté hospitalière ancrée à Lyon, au service de tous.
Quels impacts ont vos émotions sur votre travail ?
Pendant longtemps, j’ai cru qu’il fallait cacher mes émotions.
Trop jeune, trop spontanée… je craignais qu’elles me desservent. Mais avec le temps, j’ai compris que mes émotions sont peut-être ma force.
Aujourd’hui, même si la fonction impose de la retenue, je reste fidèle à ce que je ressens. Je me sais sensible à l’énergie des groupes, aux silences, aux regards. Quand je sens une tension, une crispation, je préfère poser la question, ouvrir la parole.
Quand je ne vois pas d’émotion chez l’autre, je m’inquiète. Je cherche à comprendre.
Je crois profondément que la qualité de la relation humaine est le socle d’un collectif solide.
Racontez-moi une expérience dans laquelle vous vous êtes sentie dépassée par vos émotions
Je repense à une réorganisation difficile. Je devais refuser un poste à un collaborateur que je savais très affecté par la décision.
Lors de l’entretien, il m’a agressée verbalement. Il a remis en cause ma légitimité, ma sincérité, mon empathie.
Sur le moment, j’ai écouté, encaissé. Mais en sortant, je me suis effondrée.
Je suis partie marcher, j’avais besoin de retrouver un cadre rassurant, de me remettre.
Un autre souvenir marquant : une réunion éthique très dense. J’ai choisi de ne pas intervenir, de laisser le collectif trancher.
Quand la décision finale a rejoint mes convictions profondes, j’ai ressenti une émotion physique, presque mystique.
Je me suis dit : C’est pour ces moments-là que j’ai choisi ce métier.
Quelles sont vos techniques pour rester confortable dans des situations émotionnellement chargées ?
Je commence par verbaliser. Même si je reste pudique, je mets des mots sur ce que je ressens. Cela me permet d’ouvrir un espace de régulation, de ne pas laisser les tensions s’accumuler.
J’ai aussi appris à temporiser. Quand je sens que je suis trop chargée émotionnellement, je préfère différer une décision, prendre du recul.
Je soigne mon apparence, ça m’aide à me recentrer. Et je prépare mes prises de parole avec beaucoup d’attention, même si j’improvise souvent à l’oral.
Je sais que dans mon rôle, chaque mot, chaque geste peut être surinterprété. C’est la charge symbolique du poste.
Comment définissez-vous l’épanouissement professionnel ?
Pour moi, c’est avoir un impact réel, être utile, faire avancer les choses… mais pas seule.
C’est s’inscrire dans un collectif qui partage, qui se soutient, qui respire ensemble.
Je suis fière d’avoir construit une équipe solide, bienveillante, compétente. J’y puise une vraie joie. Une forme de paix intérieure dans l’action.
Je suis aussi lucide sur la solitude du dirigeant. C’est un point fondamental. On ne peut pas tout dire à tout le monde.
C’est pourquoi je me suis entourée d’un réseau de pairs, avec qui je peux parler sans filtre, partager ce qui ne peut pas l’être dans le cadre hiérarchique.
Quand je parle de mes émotions de dirigeante, je repars plus légère, plus ancrée. Il faut trouver ses relais.
