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PORTRAIT ÉMOTIONNEL #9 Témoignage de Sylvain Tillon

ÉMOTIONS PARTAGÉES Témoignage de Sylvain Tillon

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Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.

Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.

Sylvain Tillon est fondateur de l’école Le Bahut qui forme des Digital Learning Managers et anime la page « C’est vrai ça ? » sur LinkedIn.

Sylvain partage avec nous combien sa soif d’apprendre, son goût du défi ; la fierté et la colère sont des moteurs qui le mobilisent pour accomplir ses projets, aider les autres et transmettre.

Merci Sylvain pour cette interview inspirante !

1. Comment définis-tu ton métier ?

Sylvain Tillon : Je suis l’initiateur de l’école le Bahut qui est l’école dans laquelle j’aurais aimé apprendre.

Le Bahut forme des Digital Learning Managers, en français des spécialistes de la formation numérique (mais pas que). Notre approche repose sur plusieurs piliers :

  • Les élèves sont recrutés uniquement sur la personnalité et la motivation. Il n’y a pas de critères de cv, diplôme, parcours, âge, sexe ou religion évidemment. 
  • L’école est gratuite pour l’apprenant et financée, aujourd’hui par Pôle Emploi, demain elle sera financée par les OPCO. 
  • Et c’est moi qui m’occupe de trouver un job à chacun des étudiants avant même qu’ils ne débutent leur formation.

La formation ne consiste pas à former pour former mais à former en vue d’un vrai boulot, avec un joli salaire (que je négocie presque pour eux). Cela donne du sens à cette formation et aide les étudiants à redécouvrir le talent qu’ils ont en eux et qu’ils ont parfois oublié. Ils reprennent ainsi une confiance en eux que les affres de la vie leur a parfois fait perdre.

2. Quel est le sens que tu donnes à ton Job ?

Sylvain Tillon : Mon job rémunéré m’occupe à hauteur d’un 2/3 temps aujourd’hui. Avec le Bahut, il s’agit d’aider les gens à se créer un job passion et à retrouver un boulot. Mes étudiants qui sont talentueux et passionnants, ils m’apportent chaque jour, je m’éclate avec eux. 

L’autre tiers de mon temps consiste à lutter contre la désinformation sur LinkedIn notamment via une page qui s’appelle « C’est vrai ça ? ». Cela me permet de libérer ma colère contre les inepties ambiantes.

Cette activité m’apprend des choses tous les jours.

J’ai aussi l’impression que les gens font désormais attention avant de liker, partager, commenter des informations : ils ont pris le réflexe de vérifier si la source était sérieuse. C’est le retour que j’ai et cela me donne l’impression que je sers à quelque chose.

La mission de “c’est vrai ça ?” est d’aider les gens à cultiver leur esprit critique, apprendre à chercher par eux-mêmes et à vérifier les informations partagées tant par les médias mainstream que les conspirationnistes, mais aussi toutes les histoires « inspirantes » de LinkedIn. 

Par exemple, l’histoire de la grenouille dans la casserole qui se laisse mourir si on la met dans l’eau qu’on réchauffe à petit feu. A cause de cette fable, des chercheurs ont fait l’expérience et ont vérifié que, dans tous les cas, la grenouille cherche à s’enfuir. C’est complètement faux qu’elle se laisse mourir. 

3. Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?

Sylvain Tillon : Aujourd’hui je ne veux plus m’embêter au boulot. J’ai la chance de choisir mon travail. J’ai donc choisi un job qui m’éclate, dont je suis fier et que je peux quitter si je ne suis plus heureux

Ma vie entrepreneuriale se base sur trois piliers plus un : fun, fric et foi et la liberté.

  • Fun : je veux m’éclater, être content d’aller au boulot tous les matins.
  • Fric : je veux gagner ma vie pour vivre mes projets à côté, donc disposer de suffisamment d’argent, sans avoir besoin de gagner des sommes folles (sinon je perds du fun ou de la foi).
  • Foi : croire en ce que je fais, avoir du sens, apprendre tous les jours et avoir l’impression de me coucher un peu moins bête.
  • Aujourd’hui, j’ai les trois donc je vise le quatrième qui est la liberté, être libre de mon temps, de mon organisation, pouvoir faire du sport et consacrer un tiers-temps à « C’est vrai ça ? ». 

Aujourd’hui j’ai trouvé mon équilibre autour de ces 4 points-là et cet équilibre est plus important que tout le reste. Si jamais « C’est vrai ca ? » ne me convenait pas, j’arrêterais, si je ne prenais plus de plaisir au Bahut, j’arrêterais…. Je me fais confiance pour trouver un autre projet entrepreneurial si nécessaire !

Je suis d’ailleurs plutôt initiateur dans les projets. Ceux-ci ne m’appartiennent pas. 

J’accepte de ne plus être le meilleur pour faire avancer un projet. Je suis très content, voire fier, si le projet continue sans moi et s’il va encore mieux une fois que je suis parti.

Ce sentiment, la fierté, est particulièrement important. J’ai besoin que ce soit différent, nouveau, de me challenger, que ça n’existe pas partout et de mesurer pourquoi cela marche et de pouvoir le transmettre.

Ce qui est très important pour moi, ce n’est pas de faire les choses et de compter sur la magie, ou la chance mais de structurer la démarche pour que d’autres puissent reprendre, copier, améliorer le projet

Dire que j’ai construit une école un peu différente, gratuite qui garantit un boulot, avec un taux de satisfaction proche de 100 %, c’est cela qui me rend fier.

D’autant plus que nous gardons de très bonnes relations avec nos anciens que nous revoyons régulièrement. D’ailleurs, j’aimerais que d’autres écoles se créent sur ce modèle.

Pour cela, j’écris beaucoup et je partage (principalement sur Linkedin), cela m’oblige à prendre du recul. 

J’apprends mieux quand je trouve le moyen de partager. Par ailleurs, je dois avoir bien compris pour pouvoir partager.

Un de mes moteurs est aussi la colère. Les inepties m’énervent et les laisser passer me rend fou.. 

Pour autant, la page « C’est vrai ça ? » est toujours cordiale et pédagogique, elle ne juge pas, n’attaque pas sur la personne ou les idées. On indique ce que la science dit à ce jour, on précise les sources. 

Ce serait bien moins efficace de s’attaquer à la personne ou à ses idées. Le but est de montrer qu’il y a une autre façon de voir les choses. On s’adresse davantage à ceux qui vont lire l’information qu’à ceux qui l’ont postée initialement pour leur montrer qu’il y a une autre approche du sujet, que la réalité n’est pas si simple, ni si évidente.

Quand je regarde un peu en arrière, je me rends compte que mes projets sont souvent liés au défi ou à la colère. J’ai ainsi créé ma première entreprise, Lucyf’Hair, parce qu’on me disait que je n’y arriverai jamais et je n’aime pas qu’on me dise que je ne peux pas faire quelque chose. Alors je l’ai fait ! 

La deuxième entreprise, Sydo, c’est parce que je détestais les cours. Je me suis dit pourquoi ne pas créer des cours un peu différents ? 

La troisième, Tilkee, c’était pour me prouver que manager une entreprise très “tech”, ce n’était pas si différent des autres boîtes. Et aussi pour vivre une aventure entrepreneuriale internationale.

Enfin Le Bahut, c’est parce que je trouve que ce qui est proposé aujourd’hui par l’éducation ne correspond pas aux besoins ni des entreprises, ni des apprenants. Je voulais tester autre chose et faire autrement. Cela m’oblige à faire beaucoup mieux potentiellement car avec la colère du départ, je ne peux pas me satisfaire d’un truc moyen.

4. Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es senti dépassé par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassé) ?

Sylvain Tillon : Dans « C’est vrai ça ? », une personne a partagé une vidéo sur LinkedIn avec une information, qui ne précisait aucune source, et que je considérais comme dangereuse. Cette personne, pourtant assez haut placée, interpellait ses contacts ainsi : « j’ai découvert cela, je ne sais pas trop quoi en penser, quels sont vos retours ? ». Le post a fait un buzz hallucinant et beaucoup de personnes corroboraient l’information.

 Ce jour-là, j’étais sur mon téléphone, j’avais effectué des recherches pour démontrer que c’était faux et infondé. Mais, ce jour-là, j’étais en randonnée sous la pluie et je ne pouvais pas répondre aux questions et commentaires. Pourtant je ne pensais qu’à répondre. Je ne profitais plus du tout de ma randonnée. J’étais d’autant plus énervé que je ne voulais pas laisser cela sans contradicteur.

Il arrive aussi régulièrement que des personnes diffusent des informations partielles : si on coupe et que l’on tronque une partie des informations, on trompe les gens et cela peut même s’avérer dangereux.

Je ne comprends pas qu’on fasse sciemment du mal aux autres. Ça me révolte.

Autre exemple dans la vie professionnelle, au Bahut, j’avais un employeur qui avait sélectionné un apprenant avec un très bon profil. Trois jours avant le début de la formation, il n’a pas envoyé sa promesse d’embauche me disant que finalement il n’avait pas le budget. 

Or, cela empêchait l’apprenant de commencer sa formation qui était un véritable projet de vie. C’était un père de 3 enfants, les implications étaient importantes. Je lui ai demandé de signer un papier non engageant pour permettre à l’apprenant de commencer son cursus et l’employeur m’a répondu : « Je ne fais pas dans le social, j’ai autre chose à faire ». Cela m’a rendu dingue qu’il ne se pose pas la question de l’autre.

Un instant je me suis demandé si j’allais m’énerver contre lui et l’insulter publiquement sur Linkedin mais je me suis raisonné (je vieillis…). Je suis vite passé dans le combat, pour trouver une autre entreprise. Je passe ainsi de la colère au combat pour trouver une solution. 

Avec le recul, la méchanceté de cette attitude déclenche chez moi de la tristesse.

5. Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?

Sylvain Tillon : Écrire pour m’obliger à tirer quelque chose de positif et trouver une méthode, une parade un peu innovante. C’est un moyen d’éviter que cela ne se reproduise.

Je cadre beaucoup même si je n’aime pas les process. J’ai besoin que les choses soient très claires, alors j’ajoute des clauses dans les contrats. Je ne veux plus me faire avoir ou qu’un apprenant se retrouve dans une situation difficile.

En résumé mes astuces c’est d’écrire la colère pour sortir de manière positive et trouver un moyen de valoriser ce qui s’est passé pour ne pas m’enfoncer dans les tracas.

6. Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?

Sylvain Tillon : L’épanouissement professionnel, c’est « être content d’aller au boulot le lendemain d’une cuite » ! 

Tu as toutes les raisons pour ne pas y aller mais tu es content d’y aller car tu sais que tu vas apprendre des choses, que tes collègues sont cools et que ça sert à quelque chose.

En conclusion, j’ai a énormément de liberté pour tester plein de choses et aller à contre-courant : rien ne me limite alors il faut essayer !

Au pire, si je commets des erreurs, je les accepte et je réussis à leur trouver une valeur.

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