Blog des sérials learners

PORTRAIT ÉMOTIONNEL #44 Témoignage de Sacha ROSENTHAL

Libérer la parole émotionnelle en entreprise

Fullémo réalise un recueil de témoignages permettant d’une part, de sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail et d’autre part, de libérer la parole émotionnelle en entreprise.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques pour contribuer à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des trucs et astuces, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs.

Notre intention à travers ces éclairages est d’aider nos lecteurs à lutter contre la fatigue émotionnelle et favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Témoignage de Sacha ROSENTHAL

Aujourd’hui j’ai le plaisir de vous présenter Sacha Rosenthal, PDG fondateur de XEFI, société de services informatiques auprès des TPE et PME.

Sa mission ? Aider ses collaborateurs et clients à atteindre la performance et pour Sacha il s’agit même d’une obsession !

Accueil, rapidité et engagement sont les fondamentaux définis par Sacha pour guider XEFI. Des fondamentaux qui sont des clés de succès et que Sacha prend plaisir à partager à l’extérieur de XEFI !

Comment définis-tu ton métier ?

Sacha Rosenthal : Mon métier est un métier de service aux autres. Notre mission chez XEFI consiste à rendre service aux autres pour améliorer la performance de leur entreprise.

Quel est le sens que tu donnes à ton job ?

Sacha Rosenthal : mon obsession est d’améliorer la performance de l’autre. Si la technologie n’est pas au service de la performance et de la sécurité de l’autre, notre métier n’a pas de sens.

Le sens pour moi est lié au fait de permettre aux organisations d’être plus performantes grâce à l’outil informatique. Au fil des années, par le développement du groupe, nous sommes allés au-delà du simple développement des systèmes d’informations : nous avons partagé notre sens de la performance de l’entreprise.

Dans cette optique, nous avons créé des unités de métiers connexes au SI comme le centre de développement et d’accompagnement des entreprises. Par mon expérience de coaching d’entrepreneurs, je partage mon modèle d’entreprise dupliqué et duplicable avec la franchise mais aussi avec l’intrapreneuriat. Par exemple, ma femme de ménage qui était à son compte, a désormais douze salariés alors qu’elle n’avait jamais vu une entreprise ! C’est ainsi que je considère le partage de la performance globale.

Dans la logique de partage, l’idée est de permettre à chacun de déployer ses ailes.

J’ai défini trois fondamentaux pour la gouvernance de Xefi :

Le premier, est l’accueil des clients, des collaborateurs, des fournisseurs et des partenaires.

L’accueil permet d’objectiver et de partager la vision. Chez XEFI, tout le monde doit être accueillant, même les développeurs respectent le dress code. L’accueil est une obligation, mais chacun s’aperçoit des bienfaits de cette posture sur soi, sur l’autre et de la positivité qui règne en conséquence.

Nous déclinons la notion d’accueil avec la bienveillance par exemple, cette attention vis à vis de l’autre, cette volonté de servir l’autre et de souhaiter son bien. L’accueil ne se réduit pas au client.

Je dis parfois à mes collaborateurs : « Dans l’entreprise, je suis celui qui a le plus de problèmes professionnels. Vous ne pouvez pas, en tant que salariés du groupe, avoir plus de problèmes professionnels que moi. Est-ce que pour autant je fais la tête ? ». 

Tous les deux mois, j’accueille les nouveaux et j’insiste toujours lourdement sur l’accueil.

Pourquoi avoir instauré un dress code, par exemple ? Certains peuvent penser que c’est hasbeen, néanmoins, s’habiller correctement pour accueillir l’autre participe à une atmosphère positive et favorise le respect.

Je vais au bout de ma démarche : si un ingénieur certifié Cisco, très bon et très rare sur le marché n’est pas accueillant, je ne le garde pas.

Ceux qui sont là et  dans cette philosophie s’éclatent, ceux qui se demandent ce que c’est que ce truc s’en vont. Personne ne s’oblige. C’est toute une philosophie autour de cette idée que chaque collaborateur comprend. Quand une personne est sympa avec une autre qui devient sympa avec une autre, qui devient sympa avec une autre… Cette ambiance s’entretient toute seule.

Si je remarque que quelqu’un n’est pas sympa avec un collègue, je réagis car cela n’est pas acceptable. En janvier 2019, alors que nous étions cent-soixante personnes au siège, je me suis fâché car je constatais que l’ambiance commençait à se détériorer à cause de trois collaborateurs : j’ai convoqué tout le monde. J’ai exprimé ma colère et rappelé les fondamentaux pendant quarante minutes. Deux mises à pied à titre conservatoire ont suivi : « Ici l’accueil est primordial, tu peux avoir des problèmes et nous sommes là pour t’aider, néanmoins ce n’est pas à tes collaborateurs de subir cela. Quand tu rentreras, tu m’expliqueras comment tu comptes faire pour ne pas recommencer ». Ces collaborateurs sont toujours là.

Le deuxième fondamental de notre gouvernance c’est la rapidité, qu’il ne faut pas opposer à la précipitation.

La rapidité est un paradigme, une façon de penser, un processus qui permet l’agilité et la simplicité. Pour être rapide, il faut être simple. La simplicité est la sophistication ultime. Une performance doit être simple. Je ne demande pas à mes collaborateurs d’être bons, je leur demande d’être rapides, d’inverser le paradigme. « Si vous visez la rapidité tout le temps, vous deviendrez très très bons. Si vous êtes bons, vous ne serez jamais rapides. » La seule vraie performance, c’est la rapidité.

Je pense à une expérience avec le responsable communication, récent dans l’entreprise. Je voulais bousculer son planning pour une grosse opération de communication et demande à voir son agenda. Je constate qu’il a bloqué trois ou quatre demi-journées sur une réflexion stratégique que je lui avais demandée. Pour moi, une réflexion stratégique c’est 2h ou deux fois 2h, pas plus. Quand j’ai créé la cité de l’IT, le plus gros projet du groupe, je n’y ai passé que deux fois 2h, c’est tout. Pourquoi ? Parce qu’une réflexion stratégique doit venir du cœur, des tripes et du bon sens. C’est ensuite qu’on développe le projet techniquement.

Plus nous sommes rapides, plus nous nous obligeons à un exercice de simplicité et de performance.

La rapidité est la clé de tout, elle apprend aussi l’agilité. L’agilité ne se décrète pas, elle est une conséquence de la rapidité qui elle, peut se décréter.

Le dernier fondamental est l’engagement.

Comment faire pour que l’engagement ne soit pas subjectif ? En développant l’action engagée. C’est un exercice permanent. Nous pouvons effectuer des exercices très pratico-pratiques qui rendent les gens engagés. Nous ne disons pas  : « on se rappelle » nous disons : « on se rappelle demain à 15h » et c’est ainsi pour tout.Rien que de réaliser cet exercice augmente de manière considérable la confiance entre celui qui le fait et son interlocuteur -interne ou externe- et apprend progressivement à être engagé

Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?

Sacha Rosenthal : tout est basé sur l’émotion dans une société de services comme XEFI. Ce qui fait que nous sommes performants ou non c’est l’humain et l’humain ce n’est que de l’émotion.

Je n’ai jamais abordé le thème de l’émotion. En tant que dirigeant, il est important de contrôler ses émotions, ce qui ne signifie pas de les cacher. Il est nécessaire de les maîtriser, de les connaître et savoir quoi en faire. Le manager doit être positif, mais parfois il n’est pas bien, en colère, démoralisé et mettre les mots dessus aide à passer du négatif au positif. Le manager est le leader et doit embarquer son équipe dans des émotions positives.

Cela ne doit pas l’empêcher d’être en colère, mais il doit maîtriser sa colère. J’aurai horreur d’avoir un manager caractériel, par exemple.

Dans l’imaginaire collectif, il y a parfois la caricature du dirigeant caractériel. Un dirigeant doit avoir du caractère mais cela ne signifie pas être caractériel. Le caractériel ne contrôle pas ses émotions. Ce n’est pas mon cas. J’ai des colères et je les exprime clairement. Mes colères ne sont ni froides ni calmes, néanmoins elles ne sont jamais agressives et si les mots sont forts, ils sont choisis. Une fois la colère exprimée, elle s’arrête. Ensuite, je repars sur un mode de fonctionnement classique : je ré-exprime pourquoi j’ai été en colère et gère mon humeur.

La tristesse, je crois qu’il faut l’apprivoiser. Je dis toujours que le manager est positif, ce qui signifie que nous devons nous tourner vers les choses positives et ne penser qu’à cela. Un manager peut avoir de mauvais collaborateurs, des trahisons, des choses difficiles, c’est la vie d’une entreprise. Mais il faut regarder les aspects positifs. Cela ne signifie pas pour autant éjecter la tristesse du jour au lendemain mais la manager dans un temps court. Quand je suis triste, je le sais, l’exprime et gère cette émotion afin qu’elle ne dure pas : je l’accueille, la reconnais et me régule.

J’ai toujours cherché à comprendre les choses, notamment l’émotion, comme beaucoup de dirigeants d’ailleurs car chef d’entreprise est un métier d’émotions permanentes. J’étais un hyper émotionnel dans mon enfance et beaucoup dans le contrôle de mes émotions. Aujourd’hui, je cherche d’où vient l’émotion, remonte à la source de la colère et identifie comment en ressortir positif. Souvent, je sais quel est le besoin derrière l’émotion. Avoir une explication me permet de la contrôler. Je m’interdis de faire durer l’émotion négative.

Pour mes collaborateurs, si j’en vois un qui est « down » parce qu’il a perdu un contrat par exemple, je vais le remettre dans le positif, lui rappeler qu’on est dans le travail, je relativise. Parfois, je vais prendre un ton grave, mais c’est moi qui le choisis. Et d’autres fois, je donne le sens pour prendre du recul.

Pour reprendre de la hauteur et donner le sens, je repars de la question « qu’est-ce qu’une entreprise performante ? » : la qualité d’exécution. Si quelqu’un a échoué, c’est peut-être sa qualité d’exécution qui est en jeu et nous allons la revoir, ce n’est pas grave.

Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es senti dépassé par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassé) ?

Sacha Rosenthal : Les rares fois où je me suis senti dépassé sont très personnelles, quand j’ai eu de la famille dans l’entreprise, car l’émotionnel y est total.

Plusieurs de mes frères ont travaillé dans l’entreprise et cela a été très compliqué car nous n’avons pas de culture entrepreneuriale dans ma famille. J’ai un socle qui me permet d’accueillir des personnes en difficulté, notamment ma famille. Mais quand ces personnes ne rentrent pas dans le process de réussite, font la guerre familiale et psychologique dans l’entreprise, c’est difficile. Je ne peux pas manager ces personnes comme de simples salariés : j’ai dû licencier un frère qui était allé trop loin dans un conflit qui n’avait rien à voir avec le travail. La sphère privée a pris une place démesurée.

Pourtant la sphère professionnelle reste une aventure humaine. C’est pour cela que je ne me suis jamais senti un dirigeant isolé, j’ai des amis dans l’entreprise.

Sinon il y a un moment où j’ai perdu le contrôle de mes émotions, quand j’étais jeune entrepreneur, face à une injustice. Jeune, j’étais très bagarreur, un comportement qui n’a pas sa place dans l’entreprise.

Alors que nous ne sommes encore qu’une quinzaine, j’embauche une personne en qui j’ai confiance. Il me ment un peu sur son CV, je m’en rends compte, mais je passe outre, « il fait le job ». Au bout de quelques mois, je m’aperçois qu’il s’est moqué de moi sur le planning, quelqu’un m’indique notamment que sa voiture est sur le parking d’un supermarché alors qu’il est censé travailler. Je l’interpelle pour lui demander ce qu’il fait et lui demande de me retrouver après son rendez-vous. Lors de notre rencontre, il se frappe une table en verre, qui casse, et se met en arrêt maladie. On peut considérer que c’est classique, mais ensuite il envoie une lettre recommandée à mon domicile, où il parle de harcèlement moral et me demande 140 000 francs à l’époque. Alors que je l’avais aidé, qu’il ne partait de rien, que je lui avais tout donné, c’était très dur à encaisser.

Deux mois après, à la fin de son arrêt maladie, quelqu’un m’informe qu’il est dans l’entreprise. Alors que j’allais partir « lui casser la figure », un jeune commercial (mon DG aujourd’hui), a su poser les bons mots pour me calmer. J’étais jeune, depuis j’ai appris à me contrôler. J’ai un grand besoin de confiance envers mes collaborateurs. Je ne suis jamais dans la défiance, je donne une confiance totale, réelle et sincère.

Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?

Sacha Rosenthal : Je suis moins débordé par mes émotions aujourd’hui, sur le volet professionnel, j’ai vraiment appris à les canaliser.

Le plus important, le numéro un, c’est la santé, le sport, faire attention à soi.

J’ai un coach qui vient trois fois par semaine à la maison et fais dix à douze heures de sport par semaine. J’ai horreur d’avoir plus de deux jours consécutifs sans entraînement. Être en forme physiquement me permet de contrôler mes émotions. Pour moi, ce principe est fondamental.

La prise de responsabilité d’entrepreneur m’a conduit à me canaliser. Le sport canalise mes émotions.

On m’a parlé de méditation, de respiration, j’aime bien tester pour comprendre ce qui va se passer pour mes collaborateurs. Je veux savoir si cela correspond à ma philosophie. J’ai des coachs pour mes collaborateurs. Une coach fait de la sophrologie, elle m’a donné deux-trois techniques mais ce n’est pas une routine que j’ai adoptée.

Chez moi, le sommeil est une catastrophe. Je néglige mon temps de sommeil, je m’efforce de corriger ce manque.

L’hygiène de vie : je ne suis jamais de règles diététiques mais du bon sens. Je n’ai jamais bu d’alcool ni fumé ce qui facilite les choses. L’hygiène de vie est mécanique. Je suis capable de me réguler. Quand j’ai créé ma société, j’ai arrêté le sport pendant huit ans en travaillant sept jours sur sept. Je sortais d’une forme physique hors norme et du coup j’ai pu jouer sur l’endurance athlétique que j’avais déjà. Je contrôlais moins mes émotions. Je suis arrivé à une saturation interne qui m’a fait penser que je devais reprendre le sport. Pendant cette période de diète sportive, j’ai gagné en maturité liée à la responsabilité. Mon grand sens de la responsabilité prend le dessus sur tout le reste. Je considère que chaque collaborateur est responsable de son emploi, je leur dis souvent, mais pour autant je suis responsable du paiement des salaires à la fin du mois, ils ont des familles… et je ne transfère pas cette responsabilité-là.

Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?

Sacha Rosenthal : Pour moi, l’épanouissement professionnel passe par la performance. Les gens sont épanouis quand ils sont performants : il faut mettre les bonnes personnes au bon endroit pour mettre en action leur capacité. Si tu trouves leur bonne capacité et que tu les mets en action, ils deviennent performants et sont épanouis.

A côté de cela, je mets des outils à leur disposition pour qu’ils prennent soin d’eux. Des personnes peuvent faire des burn out, nous ne sommes pas responsables de tout. En vingt-cinq ans, il y a eu trois burn out dans l’entreprise. À chaque fois, les collaborateurs ont généré leur burn out dans le travail mais ils s’en sont sortis et sont toujours dans l’entreprise des années après.

La mauvaise pression, ce serait une réunion après 18h. A 18h, je rentre chez moi et c’est ce que j’attends de mes collaborateurs. Si je croise un collaborateur après 18h, je regarde dans quel état il est : si je vois qu’il est content car il est en train de faire une offre, qu’il est motivé, ou si tous les soirs il est là et il rame, ce n’est pas du tout la même chose. Je surveille toujours pourquoi il est là.

Chez Xefi j’ai un total de vingt-six coachs sportifs dont cinq salariés sur l’ensemble de mes agences hors franchises, puisque c’est à la discrétion des franchisés. Au siège, il y a plusieurs salles de sport : salle calme, salle biking, espace TRX, basket, course à pied. Il faut que ce soit libre, ce qui m’intéresse c’est que chacun s’occupe de soi. 

Une kinésithérapeute salariée gère les coachs. Tout ce que je lui demande, c’est un bon taux d’adhésion : il est de 53% des collaborateurs.

J’observe que les projets sportifs dans les entreprises échouent à 90% ou ne vont pas au bout. En fait, ces entreprises ne pensent pas collaborateurs, chez moi, les coachs sont payés au-delà des heures de coaching sportif : je leur paie « des heures d’humain » dans l’entreprise. Un coach qui va faire deux fois deux heures dans une agence va être payé huit heures pour passer les quatre autres heures dans les bureaux avec les collaborateurs à créer du lien et de l’adhésion.

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