Blog des sérials learners

PORTRAIT ÉMOTIONNEL #36 Témoignage de Samuel Durand

Pour à la fois sensibiliser au rôle et à l’impact des émotions dans le travail mais aussi libérer la parole émotionnelle, Fullémo réalise un recueil de témoignages sincères et authentiques.

Il s’agit de répertorier les bonnes pratiques sous forme d’interviews écrites autour de six questions dont les réponses contribuent à l’éveil général.

Par ces partages d’expériences issues de tous types d’environnements, nous souhaitons diffuser des grilles de lecture, des manières d’aborder les situations qui peuvent résonner et inspirer nos lecteurs et ainsi favoriser leur épanouissement professionnel.

Pour en savoir plus sur les motivations à l’origine de ce recueil de témoignages : cliquez ici

Samuel Durand est auteur de documentaires, conférencier et consultant sur les évolutions de la manière de travailler #futurofwork avec WorkinProgress.

Samuel transmet sa technique pour interroger régulièrement le sens de son job : « Est-ce que je suis content de faire ce que je fais ? », « Est-ce que je vais apprendre de nouvelles choses ? », « Est-ce que je vais passer ma journée avec de bonnes personnes ? ».

Pour Samuel, l’épanouissement professionnel c’est la conjugaison de l’envie et de la satisfaction !

1. Comment définis-tu ton métier ?

Samuel Durand  : La meilleure image pour comprendre mon métier est de dire que je suis une éponge. Parce que je vais emmagasiner beaucoup de connaissances un peu partout, de sources très variées (mes discussions, mes voyages, mes rencontres, mes lectures, mes écoutes).Ensuite, je vais redistribuer cette matière de différentes façons à travers tous types de médias (documentaire, podcast, dvd, conférence). Je vais partager ce que je souhaite, en fonction de ce que j’ai emmagasiné sur des thématiques et selon l’audience et le format.

Mon métier est donc tantôt auteur, tantôt producteur, tantôt conférencier, tout dépend de mon public !

Voilà pourquoi l’image de l’éponge est la plus parlante.

2. Quel est le sens que tu donnes à ton job ?

Samuel Durand : Il y a deux moteurs à ce que je fais.

D’abord l’environnement de travail, plus que tout. Dans cet environnement, je mets à la fois la flexibilité dont je jouis avec mon métier : pouvoir adapter mon emploi du temps à tout le reste et bouger quand j’en ai envie. L’environnement c’est surtout les liens, les rencontres. Le documentaire, c’est passer du temps avec l’équipe de prod, avec des speakers que j’adore. C’est donc passer des journées avec des personnes qui me fascinent. Le sens c’est tout cet environnement de travail.

Et puis il y a le deuxième levier de motivation : la notion d’apprentissage. J’aime beaucoup la position d’outsider que j’ai sur tous les projets sur lesquels je vais. J’ai en fait tout à apprendre assez rapidement et où je ne suis jamais seul. Il y a de nombreuses personnes qui me prodiguent de bons conseils tout le temps. C’est ce que j’ai recherché sur le documentaire ou plus récemment sur la bande dessinée. C’est ce qui va me pousser à faire de nouvelles choses, de nouveaux formats. Je sais qu’un projet pour lequel je sais exactement ce qui va se passer, m’intéressera bien moins.

Voilà les deux leviers de motivation qui font que ce je fais a du sens avec un sens très égoïste. En fin de journée je m’interroge « est-ce que j’ai bien aimé ce que j’ai fait aujourd’hui ? », « Est-ce que j’ai envie de le refaire ? ». Cela est décorrélé d’une notion d’impact du type « Est-ce que je sers à quelque chose ? ». Je raisonne plutôt très égoïstement : « est-ce que j’ai l’impression d’avoir servi mon bien-être personnel ».

Je trouve que pour bien comprendre ce qu’on met derrière la quête de sens, c’est intéressant de le traduire en anglais. En français « sens » regroupe ce que les anglais mettent derrière « meaning » et « impact ». En anglais avec meaning, il y a la notion personnelle de comment cela a du sens pour toi à la fin de la journée. De manière égoïste et autocentrée. Puis il y a la notion d’impact, de contribuer à quelque chose de plus grand que toi et à une mission plus globale à laquelle tu crois.Dans la langue française on met les deux derrière le terme de sens. Et la manière qui me parle le plus c’est la dimension personnal meaning.

Je me rappelle qu’on m’avait posé la question à une conférence « quel est le sens que tu donnes à ton job ?». J’avais fait une réponse un peu formatée, sans trop y réfléchir du genre « C’est génial quand je donne une conférence les gens viennent me voir et me disent qu’ils ont appris des trucs, que ça leur a fait un déclic et ça c’est mon moteur au quotidien. »

Et en fait en rentrant chez moi, je me suis rendu compte que c’était faux. Ça c’est du bonus, c’est très gratifiant, j’adore, mais ce n’est pas ce qui me fait lever le matin. Ce qui me fait lever le matin c’est : « Est-ce que je suis content de faire ce que je fais ? », « Est-ce que je vais apprendre de nouvelles choses ? », « Est-ce que je vais passer ma journée avec de bonnes personnes ? ». Pour être très terre à terre c’est cela qui donne du sens à ce que je fais.

La reconnaissance c’est du bonus. Ce n’est pas ce qui m’anime.

3. Quels impacts ont tes émotions sur ton travail ?

Samuel Durand : Les émotions ont un impact maximum car mon travail dépend de mes émotions. Si je résume mes activités, l’essentiel est basé sur l’écriture qui sort de mes tripes, de ce que j’ai emmagasiné. Je reprends l’image de l’éponge, j’apprends plein de choses, c’est la donnée brute. La manière dont je vais en extraire des éléments dépend de mon émotion. Lorsque je suis très triste, je vais avoir du mal à écrire quelque chose de joyeux, plein de positivité. J’ai tendance à croire que je suis quelqu’un de plutôt positif, joyeux, heureux dans mon quotidien. C’est pour cela que je sors des textes avec des blagues. L’émotion est à 100% dans tout ce que je fais. Quand j’écris des textes, j’ai plusieurs versions. Parfois, quand je me relis à tête reposée, je me dis « ah je me suis trop emballé, j’étais trop de bonne humeur, ça ne marchera pas il faut que je redescende un peu ». Mais j’essaie de conserver cette couche de fraîcheur et d’émotion qui était présente quand c’est sorti de moi.

Il y a un alignement entre l’état dans lequel je suis et l’énergie que je dégage à l’écrit. J’essaie de retransmettre à l’écrit cette énergie qu’on me prête à l’oral. Je sais quand je vais parler en entreprise que les gens sont moins intéressés par ce que je vais dire que par l’énergie que je dégage. J’essaie de faire transparaître cela dans mes textes. A l’oral, c’est ce que je veux faire et souhaite continuer à faire.

Si j’écris quand je suis morose, je ne vais pas publier car ce sont des textes à charges ou des réponses énervantes…

J’ai l’avantage de savoir que si je suis morose cela ne dure généralement pas très longtemps. Et du coup je fais autre chose : de la gestion, de la finance, des montages de financement de mes différents projets… J’ai beaucoup de choses à réaliser qui ne sont pas des travaux d’écriture. Si je suis morose, je ne m’ennuie pas et cela ne dure jamais longtemps.

Selon mon état émotionnel, je vais choisir mon activité.

J’ai une to do list, pour chaque grand projet, j’ai différentes tâches (production pure, gestion, réflexion…). Naturellement je vais choisir les tâches que j’ai envie de faire aujourd’hui tout en tenant compte des échéances et des contraintes du projet. Il y a un vrai choix en fonction de l’humeur. Et même ça fonctionne inversement. Parfois je vais m’atteler à une tâche et elle va me mettre dans un état d’esprit qui fait que j’ai envie d’en faire d’autres dans la continuité. Alors que ce n’est pas forcément ce que je devrais faire d’un point de vue priorité. Mais c’est ce que j’ai envie de faire à ce moment-là et c’est donc ce que je fais.

Je fonctionne beaucoup en asynchrone, j’ai très peu de temps en synchrone avec d’autres personnes. Du coup cela laisse du temps sur les projets. J’ai beaucoup de choses en cours avec des échéances variées proches ou lointaines. Avoir une vision globale me permet d’aligner l’état d’esprit de la journée avec ce que j’ai envie de réaliser.

4. Raconte-moi une expérience dans laquelle tu t’es senti dépassé par tes émotions (ou tu as craint d’être dépassé) ?

Samuel Durand : Très dernièrement j’ai craint d’être dépassé. Il y a deux-trois semaines, alors que je donnais un cycle de conférences, je me déplaçais en train d’une conférence à l’autre.J’avais donné une conférence la veille et le matin, et alors que j’étais dans le train pour me rendre à une conférence que j’animais l’après-midi, j’ai appris une mauvaise nouvelle personnelle.

Je me suis posé la question de savoir si j’allais pouvoir faire la conférence.

C’était la troisième intervention sur la même thématique. Pour moi, c’était la plus mauvaise intervention des trois. Or, pour ceux qui m’ont vu, ils m’ont trouvé meilleur. C’était la meilleure conférence sans doute parce que je n’étais pas seul sur scène : il s’agissait d’une table ronde. Les autres participants donnaient plus d’énergie que celle que je pouvais. L’ambiance générale était meilleure et on m’a dit que j’étais meilleur aussi. Je me suis appuyé sur l’énergie des autres.

C’était un moment difficile. J’avais envie de partir, je n’avais pas envie de faire cette conférence. Toutefois, j’avais de très bons amis dans la salle et le fait de les voir m’a mis dans une bonne dynamique, je me suis mobilisé pour eux. Je me suis dit que j’aurai l’occasion d’être triste après.

J’étais « down » et j’ai eu le sentiment de subir le moment.

5. Quelles sont tes techniques pour rester confortable dans des situations qui t’impactent émotionnellement ?

Samuel Durand :

Un principe très bête de stoïcisme : me demander ce qui dépend de moi, ce qui ne dépend pas de moi

Par exemple, dans le cas de la mauvaise nouvelle, nous n’avions pas assez d’informations pour savoir quelle serait la suite (de la mauvaise annonce eu dans le train).

Dans l’immédiat je ne pouvais rien faire. Donc là je me suis dit « sois bon sur cette mission et après tu auras le temps de réfléchir à ce que tu peux faire différemment ». C’est ce que j’ai fait. Le lendemain j’ai dégagé des rendez-vous de la semaine suivante pour pouvoir donner du temps à la personne de mon entourage qui en avait besoin.

Une autre technique de régulation émotionnelle, pour me caler émotionnellement, est de me mettre dans un esprit de joie avant une conférence. Un truc tout bête que j’ai lu, c’est un américain qui se dit trois fois « Super » avant une conférence. Je ne me dis pas ça mais je pense à cet homme et ça me fait sourire. Cinq minutes avant une conférence je me mets dans un état d’esprit où je sais que ça va être drôle, qu’on est là pour s’amuser pour rigoler. Quand je monte sur scène je m’expose. Et au départ je me mettais sous pression. Je me disais que je devais avoir l’air sérieux, même dans ma manière de m’habiller.

Maintenant il y a beaucoup plus de congruence dans ce que je dégage : je débarque comme si j’allais voir des copains en soirée. Il y a toujours l’adrénaline du stress, mais il n’y a plus l’enjeu de vouloir plaire. Il y a beaucoup moins d’enjeux dans ma tête alors que pourtant il y en a davantage.

La technique pour ne pas avoir la pression est de désamorcer l’enjeu. Il y a aussi la confiance qui se construit sur les expériences passées. Je fais une conférence toutes les semaines, la conférence de la semaine dernière s’est très bien passée, il n’y a pas de raison que celle-ci ne se passe pas bien.

La première conférence que j’ai faite, je ne savais pas combien de personnes il y aurait. Et en montant sur scène, j’ai réalisé qu’il y avait mille cinq cents personnes, c’était sur un salon d’entrepreneurs à Paris. Je m’étais préparé à dix-quinze personnes, j’étais très stressé et finalement ça s’est bien passé. Maintenant je me dis que ça va aller, j’ai déjà fait pire !

J’essaie de pratiquer du sport tous les jours. Et il y a un truc que j’ai piqué à ma pratique du tennis : une sophrologue m’avait appris à synchroniser ma respiration avec un mouvement répétitif : je lève mon doigt en même temps que je respire. Je peux le faire discrètement et cela a tendance à me calmer.

6. Comment définis-tu l’épanouissement professionnel ?

Samuel Durand : L’épanouissement professionnel est quelque chose de très terre à terre : est-ce que le matin je me lève avec le sourire et l’envie de commencer ma journée ? est-ce que le soir je termine ma journée avec un petit soupir de satisfaction ? J’ai alors hâte d’être demain pour recommencer !

L’épanouissement professionnel c’est l’envie et la satisfaction

Cette définition me semble assez universelle. La satisfaction peut venir de plein de manières différentes (avoir accompli quelque chose de plus grand que soi, avoir appris quelque chose, avoir terminé sa to do list…). Du coup elle se mesure de manière très personnelle à la fin de la journée.

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